Histoire vraie du Français Frédéric Bourdin, usurpateur d’identités professionnel, Le Caméléon a des faux airs d’allégorie du destin de Jean Paul Salomé, promu par l’opération du Saint-Esprit orchestrateur de blockbusters en France, puis aujourd’hui cinéaste indépendant américain. Américain, puisque Bourdin a choisi de tromper une famille de rednecks gogos de Louisiane, se glissant dans la peau de leur fils disparu cinq ans plus tôt. Deux films se chevauchent ici : le premier, pseudo Retour de Martin Guerre à Bâton Rouge, flatte le génie du petit arnaqueur, transformiste malin doublé d’un culot démentiel qui séduit maman alcoolo et mystifie sa soeurette. Le deuxième, thriller tout mou, s’inspire plutôt de Perdu de recherche, remake par les Inconnus du talk-show culte de Pradel, l’usurpateur ayant ressuscité un enfant dont la douteuse famille croyait s’être débarrassée pour toujours.

Deux intrigues que Jean Paul Salomé tente d’enchevêtrer avec un doigté d’apprenti boucher, l’une parasitant systématiquement l’autre, à coups de montages alternés et de flash forward nanardeux. Le film est incapable de choisir un angle, se réfugiant à la moindre difficulté dans la pseudo complexité d’un personnage qui, entre désir immodéré d’affection et pure jouissance de l’entourloupe (le vrai Bourdin a reproduit cet arnaque de nombreuse fois en France), est beaucoup plus cernable que le film voudrait le laisser supposer. Cet entêtement à faire compliqué – malgré l’évidence du potentiel cinématographique d’un personnage tel que Bourdin – s’explique par le fantasme américain de Salomé, décidé à la jouer jusqu’au bout cinéaste de Sundance.

La mise en scène n’est pas plus convaincante que le trentenaire Bourdin grossièrement fagoté en gamin de quinze ans. Il suffit d’une brève mise en place pour constater que le film est lui-même un mauvais fake, recopiant tous les tics du ciné indé des quinze dernières années avec le même culot de petit margoulin sans envergure que son personnage principal. Ce qui donne lieu à un pot-pourri pas désagréable mais stérile : peinture complaisante du prolétariat wasp, dans laquelle s’ébattent d’anciennes gloires hollywoodiennes (Nick Stalh, ex Terminator 3 et surtout Ellen Barkin en maman junkie qui force un peu trop sur l’Actor studio), figures imposées du polar dont l’exécution gourmande n’en demeure pas moins branlante. On ne compte pas les oeillades lecteriennes de Marc-André Grondin (Bourdin) filmées en gros plan, ou ces moments de trois tonnes où une fliquette, sourcils froncés, loue le génie de l’ado perturbé. On prend le pari : sur le même sujet, Christophe Hondelatte l’aurait emporté par K.O.