Une semaine après Secret défense, la débandade du genre français se poursuit avec Largo Winch. A l’origine, une BD de Van Hamme et Francq, les aventures d’un golden-boy philantrope qui claque ses stock-options à sauter la veuve et sauver l’orphelin ; à l’arrivée, un luxueux pilote de série estivale, du cinéma d’action confit d’impuissance à force d’osciller entre faux et usage de faux. Pour faire court, le film de Jérôme Salle est un digest indigeste des deux ou trois premiers albums de la saga. Jeune hériter d’un immense groupe industriel, Largo préfère jouer les globe-trotter que tirer sur les cordons de la bourse. Mais le meurtre de son père va le catapulter à la tête de la société, dans le grand bain des requins de la finance. A lui de s’imposer comme chef, faire la paix avec son passé et démasquer les traîtres qui veulent sa peau.

Jérôme Salle inflige à Largo Winch le même traitement qu’à Anthony Zimmer. Soit une facticité de chaque instant, un défilé de figures imposées mais parfaitement creuses qui sape les soubassements de la fiction. Problème d’écriture : l’ambitieuse structure narrative (flash-back et voyages incessants) écrase la moindre tentative de caractérisation, réduit les personnages à leur fonction sans rien leur injecter. Au lieu d’une icône située quelque part entre Bébel et Richard Branson, Tomer Sisley se retrouve à jouer les petites frappes hirsutes. Guère mieux lotie, Kristin Scott Thomas étouffe sous une perruque de cabaret à vous griller n’importe quel comédien. Même Gilbert Melki, pourtant dans le ton, se débat comme il peut dans la peau d’un second couteau mal dessiné. Malgré tous ses efforts, Largo Winch ne dépasse jamais l’horizon du postiche. Problème de mise en scène aussi : les panos d’hélico et autres money-shots ne peuvent rien contre la photo falote et les échelles de plans approximatives de ce spectacle mité de toute part. C’est de souffle dont manque en fait le film, de ce flux irrésistible qui devrait nous embarquer, nous brinquebaler, indifférents aux invraisemblances et aux écueils mineurs. A la place, une anesthésie générale. Largo Winch n’est qu’un bout-à-bout de séquences sans affects qui transpire le travail de repérages (vous avez reçu ma carte postale des Balkans ?) et d’accessoiriste (matez mes jolis cafards ripolinés !), mais croule dès qu’il est question de cinégénie ou de suspension d’incrédulité. Pour un peu, on se croirait presque devant un making-of.