Deux gamines nues se barbouillent d’une substance bordeaux poisseuse. Elles gesticulent. Elles crient, visages tournés vers la caméra. Deux « mini-monstres » semblent vouloir traverser l’écran. Corps déliés. Cris de révolte. Danse pseudo rituelle. Cette séquence d’introduction à La Vie ne me fait pas peur donne le ton du film. Pour ce deuxième long métrage qui retrace des morceaux de vies de 4 filles (Ingrid Molinier, Julie-Marie Parmentier, Camille Rousselet, Magali Woch), de leur rencontre aux prémisses de l’adolescence à leur passage à la vie d’adulte, Noémie Lvovsky choisit une forme kaléidoscopique. Par petites séquences -une bagarre, une boum, la découverte d’un fœtus chloroformé-, elle dépeint le monde de l’adolescence avec précision et subjectivité.

L’amitié, bien sûr, est au centre du film, mais aussi le rapport aux garçons. Cette façon que l’on a, ado, de se fixer sur l’un d’entre eux, comme ça, au hasard mais « à la vie, à la mort » fait écrire à Marion « Jérôme, je t‘aime » sur un cahier entier. Et puis, plus tard, ces mots, « ça y est, c’est fait ! », qu’Inés prononce, victorieuse en sortant de boite : elle marque une étape rapidement oubliée mais à laquelle la réalisatrice redonne toute son importance. Pas à pas, c’est une plongée dans l’adolescence que nous offre La Vie ne me fait pas peur. Accélération de certains passages, détourage de l’écran en forme de télévision, ou encore, personnage à l’intérieur d’un jeu vidéo, Noémie Lvovsky n’hésite pas à visualiser leurs fantasmes. La séquence finale allie ainsi à merveille le kitsch et la parodie sentimentale. Les filles, déguisées en « dadames » dansent dans un décor de carton pâte, des hommes passent, d’autres femmes aussi. La musique de Joe Dassin qui les accompagne résume tout le film : « A toi, à la petite fille que tu étais, à celle que tu es encore parfois… A la vie, à l’amour, à l’éternel retour de la chance… A l’enfant qui viendra, qui nous ressemblera, qui sera à la fois toi et moi… »

Noémie Lvovsky dédie son film à son enfance, à ses amies d’enfance et par écho nous renvoie à la nôtre. Chacun(e) en sortant de la projection murmure aussi, la tête dans les étoiles, « à moi, à la petite fille que j‘étais… » Sa nostalgie s’étend comme une traînée de poudre !