Juste avant la guerre en Yougoslavie : Luka constructeur de chemin de fer, sa femme cantatrice et son fils footballeur coulent des jours trop Kusturiquiens, entre biture slave, éclats de verre, balles à blanc, animaux de la ferme et loufoquerie poétique. La guerre éclate, au bout de trois quarts d’heure : le fils footballeur est mobilisé dans l’Armée Serbe, la femme cantatrice pète définitivement les plombs et Luka retient prisonnière pour des raisons poético-kusturiquiennes une belle musulmane dont il tombe définitivement amoureux. Comme le dit un sniper, ils sont un peu les Roméo et Juliette du moment. Comme le dit Luka, « la vie est un miracle ».

Six ans se sont écoulés entre Chat noir, chat blanc et ce nouvel opus. Six ans au cours desquels Kusturica a beaucoup parlé, énormément tergiversé sur les suites de sa carrière. Après un projet hollywoodien avorté, une éventuelle reconversion dans le rock, un documentaire (Super 8 stories sur son propre groupe) et quelques apparitions comme simple acteur (chez Leconte ou dans L’Homme de la Riviera), La Vie est un miracle advient forcément comme un film important pour le cinéaste. Or, il n’est que retrouvailles formatées, resucée paresseuse d’une méthode usée et usante : la guerre, Tito, l’utopie d’une vie meilleure où toutes les ethnies yougoslaves coexisteraient dans une paix klaxonnante et le leitmotiv bruyant comme emballage. Double déception donc : celle de voir couler un auteur pourtant inspiré à ses débuts et celle de constater que son introspection n’a fait que caricaturer son propre cinéma.

Car aussi logique est le résultat, aussi complaisant est le cinéaste envers son film. La Vie est un miracle va bien au-delà de la simple machine à esbroufe. Kusturica affronte à la fois un sujet hyper sérieux et la politique du « toujours plus ». Trop plein d’ambition qui annihile la joyeuseté festive du côté Chat noir chat blanc du film et le rend carrément pénible et grossier : ça hurle dans tous les temps, ça casse, ça ne rassasie jamais de gros plans trogneux et de métaphore pittoresque (l’Ane = l’amour) pour réfléchir sur des sujets gros comme des camions. Le film de trop, clairement.