Si cette sombre machination qui s’étale sur plus de deux heures prend souvent des allures de thriller mou, c’est bien parce que le film d’Alan Parker reste avant tout dédié à son dispositif scénaristique et à la preuve par l’absurde de l’ignominie de la peine de mort. Au point que tout ce qui n’entre pas directement dans ce sillage se retrouve effacé, rendu presque invisible. Un condamné à mort (Kevin Spacey) livre sa seule et dernière interview à une jeune journaliste passionnée (Kate Winslet). Professeur de philosophie accusé de viol et de meurtre, militant contre la peine de mort, il raconte son histoire tout en poussant la journaliste à l’investigation. Habituellement expansifs, Winslet et Spacey ne laissent quasiment pas d’empreinte dans cette histoire dont le traitement visuel, qui alterne conversations au parloir d’une prison, flashs-back et séquences d’une enquête laborieuse, vire vite fait à la monotonie. Pourtant, il ne faut voir aucune paresse dans le manque de caractère des motifs qui peuplent le film (les moyens d’Alan Parker ne lui permettent d’ailleurs pas d’aller bien au delà) mais bien plutôt l’obsession de réussir une démonstration.

En fin de compte l’intérêt de cette réalisation dépend essentiellement de la réussite d’un coup de poker. Pour Parker la peine de mort demeure particulièrement abjecte en raison du doute qui trop souvent pèse sur la culpabilité des condamnés (on suppose au passage que cette raison n’est pas la seule et que cette position vaut également pour les coupables). Or le cinéaste passe à côté de son sujet. L’innocence de Kevin Spacey ne laisse malheureusement planer aucune ambiguïté. L’enjeu glisse encore ailleurs, dans les méandres de la mort mystérieuse et programmée d’un militant, dans les limbes des actes extrémistes qui accompagnent la défense d’une cause (la manœuvre ne peut être ici dévoilée afin de préserver le suspense du film). Finalement, l’ultime pirouette du récit (dont la mise en scène par le personnage reste approximative), destinée à prouver que l’on peut facilement (du coup, on en doute) faire condamner un innocent, aura accaparé toute l’énergie du film. Beaucoup de déchet donc pour un bref tour de passe-passe pas si exceptionnel que ça et un vrai thème au fond délaissé. Néanmoins il reste difficile de s’en prendre à un film qui tient debout et dont les intentions sont fort louables, particulièrement à un moment où Hollywood nous déverse une propagande conservatrice ordurière.