Présenté au dernier Festival de Nantes, où il obtint à la fois le prix du public et celui du jeune public, La Sueur des palmiers sort enfin en salles. Le film de Radwan El-Kashef démontre brillamment que l’on peut faire du cinéma d’auteur sans pour autant renier les atouts du cinéma commercial. En empruntant au dynamisme du jeu d’acteur propre au cinéma égyptien, et aux chorégraphies chantées traditionnelles, La Sueur des palmiers séduit de prime abord par l’énergie de sa réalisation. Son histoire, quant à elle, mélange habilement l’univers onirique des légendes du Sud de l’Egypte avec des thèmes plus contemporains et réalistes tels que la condition de la femme ou l’émigration. Dans un petit village isolé au fin fond du désert, un beau jour les hommes partent travailler dans l’eldorado que leur fait miroiter un mystérieux employeur. Reste Ahmed, un adolescent, pour garder le village et protéger les femmes.

Après le prologue assez grand-guignolesque concernant le départ des hommes -le mystérieux patron se déplace dans une vieille « camionnette-photomaton » accompagné de deux énergumènes déguisés en zoulous-, le véritable enjeu du film apparaît. Les femmes vont dès lors occuper le devant de la scène, révélant l’un des points forts du film : l’exploration du désir féminin. Les années passent, et les femmes ne voient toujours pas leurs hommes revenir. La caméra de El-Kashef suit au plus près des corps le sentiment de manque qui mine leur vie. Sans aucune fausse pudeur, le film fascine par sa capacité à capter de manière charnelle l’extériorisation de ce désir frustré, tandis que l’atmosphère du village, de plus en plus oppressante, accompagne la langueur des femmes.

En prenant le parti d’associer la légende à la réalité, Radwan El-Kashef cisèle finement les contours terrestres -à la fois humains et géographiques- d’une région trop peu connue, le Sud de l’Egypte. Il donne vie à un univers à mi-chemin entre le drame social (le dépérissement d’un village suite à l’exode rural), le drame humain (le délitement d’un être quand l’amour manque), et le conte initiatique (le destin tragique d’Ahmed). Le cinéaste témoigne alors d’un véritable talent pour raconter une histoire au sens plein du terme, c’est-à-dire en donnant la parole aux lieux et aux hommes qui les habitent.
La Sueur des palmiers constitue une bonne nouvelle pour le cinéma. L’Egypte vient enfin de trouver en Radwan El-Kashef un digne compagnon à sa gloire nationale, trop esseulée jusqu’ici : Youssef Chahine.