Auréolé d’une certaine gloriole académique (trois David di Donatello, les Césars locaux), candidat italien aux Oscars (sans sélection), La Prima cosa bella est pourtant un film plutôt ingrat, il n’a pas le physique facile. Si l’on y croise certes quelques jolis minois (Micaela Ramazzotti, bien sûr), des silhouettes en robe d’été dont l’étoffe fleurie frémit dans le vent chaud, c’est au prix d’une mise en scène laborieuse. Il y avait longtemps que la lourdeur et l’inertie de la caméra n’étaient apparues aussi clairement à l’image. L’ampleur des travellings, des mouvements de Dolly labellisés Cinecitta n’y peuvent rien et contribuent plutôt à renvoyer à un filmage à l’ancienne, que l’on croyait disparu, une opulence, un premier degré qui fut appelé, à une certaine époque, cinéma de papa. Le retour sur les années soixante-dix se colore d’un jaunâtre paresseux, les mouvements de caméra solennels le disputent aux effets de lumières cheap (voir les éclairs qui apparaissent depuis une chambre de l’hôtel), les acteurs sont à tort et à travers et pourtant, indéniablement, ça fonctionne. Comment un film qui n’a, semble-t-il, rien pour lui, fait-il donc pour se rendre si aimable ?

Le récit s’écoule sur deux temporalités qui ont voix égale au chapitre et qui s’entrecroisent du début à la fin. C’est une forme simple, vue récemment dans Blue valentine (Derek Cianfrance), et à l’efficacité évidente puisqu’elle permet d’éclairer chaque période à la lumière de l’autre, de doubler l’identification aux personnages d’une intimité particulière, celle de la mémoire, solution facile pour figurer au cinéma la pénétration du passé qui se tapit derrière chacun de nos actes.

Anna, beauté fatale, fatiguée des petites humeurs de son mari atrabilaire, laid et adjudant, attrape ses deux enfants et s’installe à l’hôtel en quête de liberté et de papiers peints plus chics. Ses futurs amants ne seront guère plus affables pourtant et le doute va s’insinuer dans l’esprit de son fils Bruno quant à la vertu intacte de sa maman. De figurations sur les plateaux de Dino Risi en petits boulots pour lesquels elle se révèle moyennement compétente, elle parvient toutefois à s’en sortir. Les années soixante-dix battent leur plein et Nicola di Bari beugle ses sentiments dégoulinants aux oreilles de l’Italie. De nos jours, Bruno et sa sœur Valeria retournent à Livourne, cité de leur enfance, pour retrouver leur mère à l’hospice, touchée par une maladie qui aura bientôt raison d’elle. A coup de révélations des secrets familiaux et de larmoyantes comptines chantées en choeur, la petite famille se réunit dans une grande larme finale.

Petit miracle à l’italienne donc : le film touche d’autant plus que l’énergie vitale dont il déborde doit traverser toutes ces couches de spectacle pour arriver jusqu’à nous, qu’elle est au fond, à la base de toutes ses sincères gesticulations. La Prima cosa bella est tellement simple, sans arrière-pensées, qu’une fois les personnages installés dans nos esprits par ce retour constant vers leur enfance, ils paraissent extrêmement attachants, familiers. Dans La Prima cosa bella, tout est tellement déjà-vu ailleurs que l’impression d’assister au défilement sa propre vie (vie de films, s’entend) ajoute au pincement mélo. Gageons que le spectateur, s’il n’est pas trop dur à cuire, saura se vautrer dans ce débordement d’émotions méditerranéennes.