Verser un peu de sang neuf dans le cinéma français est une bonne chose, qui se transforme en frustration quand il s’agit en fait de reproduire les vieux schémas. Pour son premier long-métrage, Lorraine Lévy a lorgné un peu trop fort vers la vague des comédies familiales supposément spirituelles, qui ne restent qu’à la surface des vrais problèmes qu’elles prétendent analyser. Malheureusement pour elle, son film est présenté au public à quelques semaines d’intervalles de celui d’Agnès Jaoui, Comme une image, et les deux réalisatrices ont plus en commun que leur actrice principale.

En particulier l’histoire et son gang de personnages pittoresques : dans les années 60, Hannah, adolescente juive, entourée d’une famille aimante, mais complexée par ses rondeurs, rêve d’entrer dans le jazz-band de son école en tant que contrebassiste. Hélas, les garçons du groupe refusent que l’on attente à sa tradition exclusivement masculine. Que Marilou Berry passe d’une carrière de chanteuse dans le film de Jaoui à celle de contrebassiste, pourquoi pas ? Elle fait à chaque fois brillamment illusion. Mais là où le bât blesse dans la comparaison entre les deux films, c’est qu’Agnès Jaoui sait faire preuve à l’occasion d’un cynisme mordant, malgré de piètres réalisations ; Lorraine Lévy, quant à elle, ne sait pas trop quoi dire, ou comment le dire. On a du mal par exemple à comprendre le lien entre la judaïté d’Hannah et ses problèmes relationnels avec les garçons du groupe. Que vient faire l’antisémitisme dans cette galère ? Car finalement, La Première fois… est surtout une gentille petite comédie, un brin too much : une fois passé le premier émerveillement face à la coiffure très Beatles-première-période des garçons, l’amour des parents envers leurs adorables filles, la beauté et la gentillesse des soeurs d’Hannah, il serait plus que temps que les personnages acquièrent un peu de profondeur.

Pour autant, La Première fois… n’est pas un film honteux ou détestable. Véritable graine de star, Marilou Berry campe à merveille un personnage de bougonne à la Bacri (tout juste plus féminine). On espère néanmoins qu’elle évitera à l’avenir d’être enfermée dans ce rôle. Soutenue par des dialogues incisifs et souvent drôles, le reste de la distribution tient la route -mis à part Pierre Arditi, manifestement égaré sur une autre planète. Un film sympathique, donc, à oublier sitôt vu.