La Petite vendeuse de soleil et Le Franc demeureront les deux seuls volets d’une trilogie inachevée intitulée Histoires de petites gens. Djibril Diop Mambety, le réalisateur de ces contes modernes plutôt touchants est en effet décédé l’année dernière. De ces images post-mortem, l’on retiendra surtout l’optimisme lumineux, l’amour de l’Autre, le sens du paysage. Les récits, quant à eux, ne visent que l’essentiel et frôlent l’ascèse : dans Le Franc, Marigo, un musicien sans le sou, gagne à la loterie nationale, mais ayant collé son billet à sa porte d’entrée, il se voit contraint d’embarquer celle-ci jusqu’au bureau des récompenses. Quant à Sili, héroïne de La Petite vendeuse…, il s’agit d’une petite fille handicapée qui décide de partir pour Dakar afin de nourrir sa famille. Elle y deviendra vendeuse d’un quotidien (« Le Soleil ») et sera aidée dans sa tâche par un jeune garçon.

Ce qui intéresse Mambety, ce n’est pas tant l’événement fictionnel que sa périphérie, ses conséquences sur les relations humaines. Les protagonistes deviennent ainsi de véritables catalyseurs de réactions : tout, à leur contact, s’agite, prend vie, s’irrigue. Dans une séquence, Sili créée autour d’elle une sorte de microcosme d’enfants chantant, heureux d’accéder soudain à un univers presque onirique par le biais d’une figure enchanteresse. Si ces moments de bonheur sont éphémères dans l’univers âpre et cruel des vendeurs de journaux (qui passent leur temps à se tirer dans les pattes pour écouler leur stock), Marigo, lui, incarne le rêve permanent (ce qui confère au Franc une belle structure poétique, lâche et brinquebalante). Mais ses aspirations sont nobles et ses utopies naïves : Marigo entrevoit sa fortune colossale comme un moyen d’accéder à une carrière de musicien des rues et du peuple, s’imaginant en artiste élégant et libre, répandant à tout va sa joie de vivre et sa folie douce. Et comme Mambety n’est pas un cinéaste de la cruauté, ses héros accèdent toujours à leurs désirs, malgré les mille écueils traversés. C’est ce qui fait le charme et la limite de ces films amoureux du monde mais traçant pour leurs personnages des destinées irréelles, où la misère se vit avec le sourire.