Au bout d’une semaine d’insoutenable attente, fin de la bagarre et verdict : le petit film de Yann Samuell est écrasé par l’artillerie lourde de Christophe Barratier, le Stanley Kubrick du cinéma rétro depuis Les Choristes. De cette victoire aux poings, ne pas tirer de conclusion hâtive : les deux adaptations de Pergaud sont aussi atterrantes l’une que l’autre ; seulement, quand l’une est cancre et fauchée – petit navet – l’autre est laborieuse et clinquante : gros navet. Puisque tout film de Barratier est un prototype du cinéma français dit de « grand public », rappelons-en les grands principes : primo, une promo efficace à large spectre : impossible d’échapper à l’affiche criarde du film placardée partout depuis un mois, jusque dans les salles des profs les plus reculées, les enseignants, ces bonnes poires pédago du grand écran, étant particulièrement visés par ce spectacle bon enfant sur l’école et les valeurs d’hier qui sont aussi celles d’aujourd’hui : respecter l’autre et veiller à ce que la « Bête immonde » ne se réveille pas. On le voit, le programme du film est neuf, comme sa manière de nous le présenter en images, on y revient.

Deuxième pilier d’un gros film à recettes attendues : un casting people avec vedettes bankable : ici, Kad Merad, le beauf rural qui cache son jeu (il est résistant en fait !) ; Guillaume Canet, le beau mec de l’histoire, un instituteur républicain qui tient tête aux notables fachos du village ; enfin, Laetitia Casta, la belle résistante, plus « bicyclette bleue » que jamais, qui cache Myriam, une jeune fille juive menacée par les lois de Vichy. Car, un film qui marche doit raconter une histoire ratissant large, et c’est là la plus-value de cette nouvelle guerre des boutons aussi bien par rapport à son concurrent direct – le Samuell ne sait pas quoi raconter, c’est son vrai problème – qu’à sa matière d’origine, le roman de Pergaud, utilisé comme arrière-fond racoleur quand le vrai film de Barratier est ailleurs : dans la France occupée et son récit bateau qu’il déploie pour l’évoquer.

Lebrac, chef de bande, tombe amoureux de la jeune Violette / Myriam, lutte avec ses camarades pour la sauver des griffes de la Milice. Le film met en place un laborieux parallèle entre la guerre menée par les enfants et l’Occupation. Maladroitement truffé de citations historiques du type « on a perdu une bataille, mais pas la guerre » ou « je vous promets du sang et des larmes », le récit devient carrément ridicule quand la jeune Violette lance à Lebrac, en train de rosser un copain qui l’a trahi : « Arrête Lebrac, tu te comportes comme un nazi ! ». Le film atteint alors son point Godwin, transformant les Longeverne et les Verlans en petits résistants anti-fascistes : les bagarres pour rien de Pergaud sont bien loin, écrasées par la bonne conscience de Barratier et de ses producteurs dont l’équation scénaristique est aussi imparable que décomplexée : imagerie de l’enfance turbulente + paysage de la France éternelle + résistance et question juive dans la France de Vichy = succès garanti. Sans commentaire, ou sinon, évidemment : « Si j’avais su, j’aurais pas venu », phrase du classique d’Yves Robert qu’on n’entend dans aucune des deux versions 2011, les ayants-droit du film leur ayant apparemment refusé la citation.