Des Griffes de la nuit à l’interminable série des Scream, une carrière à succès inégale n’a en rien empêché Wes Craven de toujours s’accrocher avec ténacité au cinéma d’épouvante. C’est grâce à lui que le réalisateur a acquis une telle renommée -autant par la redéfinition des modes de fonctionnement du genre que par l’utilisation récurrente d’effets de mise en scène efficaces. Ayant atteint l’âge de la maturité depuis fort longtemps, sa volonté de se détacher du genre habituel n’est pas surprenante. Comme beaucoup de réalisateurs catalogués, il a simplement dû éprouver le besoin de montrer qu’il était capable de nous livrer quelque chose de différent… Avec La Musique de mon coeur, le changement de registre est radical. On en vient même à se demander si Craven ne s’est pas amusé à rechercher le scénario le plus fondamentalement opposé à ceux de ses films précédents, uniquement par principe et non par intérêt véritable. L’effet de surprise fonctionne donc très bien, car pour réaliser un mélodrame aussi larmoyant, on s’attendait à peu près à n’importe qui sauf (bien sûr) à lui.

A la base, l’histoire (vraie) sur laquelle s’appuie ce film n’est pas dénuée d’intérêt : Roberta Guaspari, professeur de violon, décide d’enseigner dans un quartier new-yorkais à haut risque. Sa forte détermination lui permet de s’imposer au fil du temps et son cours devient alors extrêmement réputé… En nous dressant le portrait de cette femme, Wes Craven a beau changer de genre, il dévoile malgré lui une véritable impuissance à assumer un tel sujet sans tomber dans les stéréotypes les plus condamnables. Ici, sa légendaire volonté de faire brutalement effet sur le public (avec des procédés de tension ou de surprise) semble avoir été transplantée dans l’univers du mélo émouvant et théâtral. Si bien que La Musique de mon coeur se retrouve être un film ponctué d’artifices douteux, uniquement destinés à prendre le spectateur par les sentiments… La musique dramatique sans cesse plaquée sur des plans de personnages en pleurs ; les incessants fondus au noir clôturant chacune des scènes et renforçant impitoyablement leur aspect tragique ; d’interminables ralentis sur une Meryl Streep épanouie, empoignant fièrement son violon… Tout comme il prenait plaisir à faire frissonner le spectateur en jouant avec ses nerfs, Craven a l’air ici de jubiler en lui dictant les sentiments à éprouver.

Finalement, ces stupides procédés de mise en scène -qui n’ont pour unique but que de nous mener par le bout du nez, afin de nous extorquer une larme- font de La Musique de mon coeur une œuvre aussi consistante que n’importe quel lamentable téléfilm de seconde zone. Et que les fanatiques de Scream ne perdent pas leur temps à chercher ici une quelconque trace d’ironie ou de dérision : le film est à prendre au premier degré. Aucun doute là-dessus.