La sortie de La Momie à mi-mots est la dernière étape d’un parcours du combattant mené par un seul homme, acharné et amoureux de son film. Ce personnage, c’est Laury Granier, peintre et réalisateur, qui a mis sept années pour construire ce moyen-métrage expérimental, et qui, aujourd’hui, faute de candidats pour distribuer son œuvre, s’est décidé à financer lui-même sa diffusion dans deux salles : l’Odyssée à Strasbourg et Le Denfert à Paris. Bénéficiant du concours de personnalités aussi intéressantes que Carolyn Carlson, grande danseuse contemporaine, Jean Rouch ou encore Philippe Léotard, La Momie à mi-mots est un essai muet sur la danse et la musique (composée par Margret Brill, ancienne harpiste de Léonard Bernstein) fondé sur une sorte de rituel comportant les phases suivantes : « crise, agonie, mort, momification, résurrection ». Cette proposition de départ permet surtout au réalisateur de jouer avec les images au point de créer un montage véritablement musical (même si ce n’est pas totalement nouveau : voir par exemple l’œuvre de Len Lye). Ainsi, chaque séquence a une valeur rythmique bien précise qui confère à l’ensemble un mouvement syncopé, saccadé, et chaotique assez inhabituel. Mais Granier parvient à éviter le didactisme théorique en faisant baigner son film dans un climat onirique, voire fantaisiste. En même temps, c’est ici que le bât blesse quelque peu : l’artisanat des costumes et des maquillages, l’outrance de quelques apparitions frôlent le ridicule et minent la poésie distillée par certaines images.
En dépit de cela, et d’un sens du cadre assez peu affirmé, La Momie à mi-mots mérite d’être vue, ne serait-ce que pour la singularité de son univers, ses tentatives formelles (incursion au sein de la pellicule 16 mm d’images vidéo parfois très belles extraites de spectacles de Carolyn Carson ; ou encore cartons rappelant le temps du muet et traduits dans la plupart des langues sur fond de peintures du cinéaste) et, surtout, sa croyance féroce en un cinéma novateur.