A mi-chemin entre Philip Marlowe et Sherlock Holmes, c’est avec une extraordinaire ingéniosité que Daryl Zéro, grand détective de cette fin de siècle, résoud les énigmes les plus déroutantes des temps modernes. En agoraphobe averti, il vit reclus dans un appartement-bunker de Los Angeles, n’ayant de contact avec l’extérieur que par l’entremise de son factotum et faire-valoir, l’avocat Steve Arlo. Sa vie va alors être bouleversée le jour où Grégory Stark, un riche homme d’affaires, lui confie une mission qui, sous son apparente simplicité, s’avère être d’une rare complexité.

C’est avec « un certain regard » que Jake Kasdan, qui signe ici son premier long métrage, dresse le portrait de ce privé contemporain, névrosé au dernier degré, capable de démêler les intrigues les plus touffues, mais terrifié à l’idée de se rendre chez son épicier. Le réalisateur, en effet, offre au spectateur sa propre vision de la figure classique du détective ; cette vision consistant à désamorçer par la parodie tous les stéréotypes de cette icône ultra-visitée au cinéma comme en littérature. Le traitement donne une dimension réellement comique à ce héros solitaire, interprété par un Bill Pullman tout en dérision, loin des extraterrestres d’Independance day et des délires schizophréniques de Lost highway. L’acteur nous gratifie ici d’une composition délirante qui dénote d’un potentiel humoristique jusqu’à présent insoupçonné. C’est donc principalement dans l’approche ironique de ce personnage récurrent du septième art que La Méthode zéro est le plus réussi.

Mais, paradoxalement, ce qui fait la force de la première partie du film provoque la faiblesse de la seconde. Jake Kasdan abandonne ainsi un second degré et une dérision jubilatoires pour se plonger dans une intrigue à multiples tiroirs qui consiste à provoquer de nombreux coups de théâtre hélas sans surprises, où bien trop invraisemblables pour être crédibles. Cette crédibilité, on ne la retrouve d’ailleurs jamais dans ce scénario qui propose une évolution des personnages improbable pour le spectateur qui, non seulement ne croit plus à ce qu’il voit, mais finit par se perdre dans une enquête bien trop mal ficelée pour suivre les déductions « dogmatiques » ; principalement dans les relations que Daryl Zéro entretient : tout d’abord avec son avocat Steve Arlo, sorte de Sancho Pança reflétant le bon sens commun et ses limites, et à qui l’acteur-réalisateur Ben Stiller prête son flegme. Mais surtout avec la jeune et ravissante secouriste (interprétée par Kim Dickens, présente actuellement au générique de De grandes espérances) pour qui il va éprouver, pour la première fois de sa vie, des sentiments amoureux. Reste Ryan O’Neal, méconnaissable en riche homme d’affaires au passé trouble.

Mais tous ces seconds rôles ne peuvent pas empêcher l’incrédibilité d’une histoire servie par une mise en scène des plus conventionnelles, avec toutefois quelques moments de bravoure inutiles, tel ce plan de grue vertigineux pour illustrer un simple dialogue. Il est donc dommage de ne pas avoir poussé la dérision du détective vers une intrigue plus originale, ce personnage méritant vraiment l’attention, dans un cadre à la fois plus loufoque et plus cohérent. Il en résulte un film très inégal où le réalisateur se perd dans les clichés dont il s’était auparavant moqué.