La trame de La Maison sur l’océan repose sur une idéologie si douteuse et simpliste (le bonheur s’acquiert par le travail et s’évalue au regard de sa maison) qu’elle aurait pu à elle seule justifier une condamnation sans appel pour imbécillité aggravée si le film n’empruntait nombre de chemins buissonniers. A l’échelle immobilière, l’existence de George, architecte papier-crayon licencié pour incapacité technologique, ne vaut en effet pas un kopeck. Sa baraque de prolo en planches, style favela, fait tâche dans le paysage upper-class immaculé qui l’entoure. Au moins autant que l’ado salement dépravé qui lui tient lieu de fils (Hayden Christensen, probable future icône sexy d’Hollywood) Fusion de new-wave (pour le côté autiste dépressif) et de satanisme (pour le côté révolté mystique), deux des pires angoisses fantasmées de l’Amérique parentale propre sur elle, le personnage de Sam pourrit la vie de sa mère comme de sa nouvelle famille. Un bon cancer pour le pauvre George par dessus tout ça et la machine à éduquer autant qu’à faire pleurer peut se mettre en route. Finalement, sur l’air de quand on veut on peut, car le cancer ça fait réfléchir et s’urger un peu, le looser retape in-extremis sa baraque (on l’aura compris, sa vie) et par la même occasion l’existence de son fils, qui après quelques coups de pieds au cul délaisse joyeusement Marilyn Manson et les piercings pour se muer subitement en charpentier épanoui.

Bien heureusement, avant que l’envie de fuir ne nous prenne devant ce déversement d’inepties intellectuelles, Irwin Winkler dévie de son dispositif à grands coups de niaiseries romantiques que l’on déguste incroyablement béats, avec un sourire attendri et la larme au coin de l’oeil. L’arrière goût rance se dissipe sans résister sous l’effet de dialogues justes et élégants portés par une belle brochette d’acteurs pile poil dans le bon timing (mention spéciale à Kristin Scott Thomas). Leur jeu dénué de tout effet dramatique accompagne sans exagération l’entrelacement des liens affectifs qui naissent autour de la reconstruction de la maison. La beauté du film jaillit inopinément du déploiement down tempo de ces relations amoureuses fugitives mais vitales, souvent hors morale, et condamnées par avance car sans issue. Couple divorcé qui se rapproche jusqu’à l’adultère avant d’être définitivement séparé par la mort, liaison charnelle incestueuse entre une mère divorcée et un jeune ado emportent ainsi le film vers une espèce de drame idyllique rutilant qui nous laisse tout retournés.