Les maisons qui délirent sont la grande obsession des productions Dark Castle concoctées par Robert Zemeckis et Joel Silver. Après les lamentables 13 fantômes, La Maison de l’horreur et Le Vaisseau de l’angoisse, la recette semblait bien flapie. Et voilà que débarque cette Maison de cire : une petite bombe qui vaut moins pour son originalité que pour la malice avec laquelle y sont recyclées mille et une recettes d’un cinéma d’horreur en forme d’attraction foraine. Air connu : une bande de jeunes abrutis se rendant à un match de football fait une pause camping dans un coin perdu / découvre sur place un village infernal peuplé d’habitants de cire / se fait décimer. Rien de neuf, donc, mais le film convoque une telle variété de sous-genres (survival des années 1970, slasher clipeux, baroque à l’Italienne et poésie macabre des productions Val Lewton) qu’il en devient à lui-seul ce musée de cire qui lui sert de base : il suffit de quelques très jolis plans en plongée ou contre plongée sur la pancarte « House of wax », recouvrant tout l’écran, pour mesurer avec quelle plaisir le jeune Collet-Serra prend plaisir à se fondre -c’est le cas de le dire- dans les vertiges du trompe-l’oeil et de l’illusion : un feuilleté de références sans profondeur, gigantesque masque posé sur le vide.

Premier bon point, une manière de casser la mécanique du slasher en jouant sur l’attente (première partie assez longue, fort réussie) et en scindant le groupe en trois paires qui permettent de distribuer l’action en plusieurs sections : perte de repères, plaisir pur de la maîtrise du tempo et de l’organisation du récit. Cela change des abominables précédents de la firme Dark Castle. Deuxième gros morceau, le lieu central du village de cire, dont le cinéaste use et abuse avec une remarquable aisance : la mise en tension de cette attraction de foire est régulée avec un implacable sens de la suggestion et de la retenue. Retenue qui n’a en revanche aucune place dans la part la plus attendue du film -celle de la confrontation avec les monstres, deux frères bien dégénérés, où surgissent une multitude d’effets extrêmement sadiques. Les meurtres et tortures diverses qui jalonnent le récit jouent ainsi d’une méchanceté hallucinante (on coupe le tendon d’Achille d’un personnage, on sectionne le doigt d’un autre juste pour le plaisir) et contrastent avec la mesure qui régente le reste du film.

Drôle d’équilibre entre raffinement et grand-guignol, clins-d’oeils à la Joe Dante (la salle de ciné peuplée de spectateurs empaillés) et antique sauvagerie. Le film joue en outre sur la relative nullité de ses interprètes avec une ironie plutôt jouissive, transformant chacune de ses victimes potentielles (mention à Paris Hilton et à son regard de poulpe croisé avec une vache) en pur mannequin, figure inerte, morceau de chair au devenir plastique ou latex. D’où l’extrême cohérence esthétique du film, dispositif artificiel qui crée une atmosphère de folie baroque des plus singulière. La preuve ? Une dernière partie extraordinaire, là même où la plupart des séries B du même acabit s’effondrent généralement. Si la valeur d’un film fantastique se mesure au nombre de ses invraisemblances et grossières facilités scénaristiques, La Maison de cire demeure un beau nanar. Si elle se mesure au contraire au nombre des visions qu’il invente et déploie, alors La Maison de cire, avec ses formidables plans sur les créatures fondant à la chaleur des flammes, son vaste et macabre village délirant, ses demeures virant au décor mental abstrait (la maison aux murs mous de la fin) est mathématiquement un chef-d’oeuvre. A vous de choisir.