Avant de se prononcer sur ce premier remake bâclé et couille-mollesque de La Guerre des boutons, un bref rappel : Louis Pergaud, l’écrivain et instituteur socialiste qui a donné la matière à ce nouveau navet made in vieille France – en attendant la version de Barratier, Monsieur Choristes – , a écrit son roman en 1912, soit deux ans avant la Grande Guerre, celle de 14-18, où il tomba en 1916 à l’âge de 33 ans. Ce détour biographique juste pour dire que ce bouquin aujourd’hui traité par-dessus la jambe n’était pas vraiment le rien qu’il devient aujourd’hui grâce au cinéma français dit de divertissement : un beau geste utopique – les enfants entre eux qui refont le monde – qui annonce Sa majesté des mouches et une fibre anarchiste qui a dû toucher le grand Vigo pour son Zéro de conduite.

Or, que reste-t-il de cette matière doucement subversive dans la version 2011 ? A peu près rien, et même le contraire : le film est en effet un monument de conformisme. C’est qu’au lieu de la fronde anar qui portait le livre de 1912 avec ses enfants des campagnes nigauds et contents de l’être – « Mon pantalon est décousu, si ça continue, on verra le trou de mon… ! » -, le film et le scénario de Yann Samuell nous livrent un tableau sans surprise d’enfants empaillés dans le folklore sépia des sixties, nouveau contexte de l’histoire, et nous sert sans conviction une bluette intégrationniste, le thème central du film n’étant plus le conflit ingérable et pittoresque entre les garçons de Velrans et ceux de Longeverne – les bagarres sont les moments les plus ennuyeux du film ! -, mais les désarrois très Education Nationale de Lebrac : Lebrac, l’enfant saint qui fait tout à la ferme depuis le départ de son père, pris dans un drôle de dilemme pour un chef de bande : est-ce que je continue à faire le con avec mes potes ? Ou est-ce que je quitte mon village de crotteux pour aller au collège ? On se croirait dans un cours d’instruction civique ; d’ailleurs, si le film n’est pas drôle, c’est surtout parce qu’il est trop sérieux : l’enfant cherche le mot « indépendance » dans le dictionnaire et, en pleine guerre d’Algérie, fait bientôt le rapprochement entre ce qui se passe là-bas – la guerre pour l’indépendance – et sa conquête de la liberté : mais où le scénariste va-t-il chercher tout ça ?

Résumons : un siècle après Pergaud, le regard sur l’enfance passe du collectif à l’individuel. Fin de la bande ; le rire cède la place à la conscience civique la plus balourde. Fin de la farce. Lebrac quitte le monde des boutons pour aller retrouver les sérieuses salles de classe qui lui donneront un « vrai métier ». Que va devenir sa bande de copains et copines ? Ils pleurent son départ et acceptent le nouveau chef qu’il a désigné : c’est d’ailleurs une chef, ce qui achève le tableau politiquement correct. Qu’ils restent dans leur cambrousse à jouer à la guerre. La méritocratie, ça se mérite ! Petit Gibus continuera de faire des fautes d’orthographe : ça fait rire, c’est l’essentiel. A la semaine prochaine pour « la (nouvelle) guerre des boutons » !