La Fille d’un soldat ne pleure jamais permet au réalisateur américain James Ivory d’évoquer à nouveau un thème qu’il affectionne particulièrement : le déracinement. Mais, au-delà de celui-ci, Ivory a su recréer, d’après le roman homonyme de Kaylie Johns, une histoire qui concerne une famille à la fois touchante et animée.
À la fin des années 60, une famille américaine (les Willis), installée à Paris, décide d’adopter un petit garçon français qu’elle appelle Billy. La famille Willis se compose essentiellement de Bill, le père (Kris Kristofferson), de Marcella, sa femme (Barbara Hershey), leur fille Channe (Leelee Sobieski). Le petit garçon, Billy, est issu, à l’origine, d’une mère très jeune qu’il ne connaît pas (Virginie Ledoyen). Channe et Billy, arrivés à leur adolescence, devront quitter Paris pour les Etats-Unis, selon la volonté de leur père souffrant.

A partir d’une mise en scène qui privilégie les rapports entre les personnages, James Ivory crée une atmosphère intimiste propice à la découverte de l’univers clos de cette famille. La première partie, à Paris, n’est presque jamais filmée en extérieur. On passe de l’appartement familial à une salle de classe, un bus ou un café. De plus, l’importance accordée par le réalisateur aux conversations permet au spectateur de se sentir intégré dans la famille -comme s’il était l’un de ses membres. On n’est pas voyeur, mais partie prenante d’un environnement convivial à la manière de certains films de Woody Allen (Hannah et ses sœurs, Maris et femmes), où les personnages principaux et secondaires (ils ont ici aussi un rôle important car ils éclairent d’un jour nouveau les relations familiales en en faisant ressortir toute la complexité) se croisent, se séparent, s’aiment, se détestent, se supportent…

Mais si la première partie du film frôle parfois l’insouciance des comédies légères, la seconde offre quant à elle un changement de ton radical : on est alors plus proche du mélodrame. La douleur liée au déracinement n’est jamais aussi prégnante que dans l’évocation émouvante du quotidien de ceux qui la ressentent. Loin d’être pessimiste pourtant, le film se veut porteur d’un espoir symbolisé par la figure de l’orphelin, véritable pont entre deux cultures, et preuve de leur possible fusion.