La Faute à Voltaire est un film inégal ; adjectif pour le moins galvaudé mais qui s’impose ici avec une rare évidence. Scindé en deux blocs très distincts, le premier long métrage d’Abdellatif Kechiche suit les aventures parisiennes de Jallel (Sami Bouajila, toujours très bien), sans-papiers tunisien confronté à une forme d’exclusion quotidienne : foyer en guise de logement, vente à la sauvette pour subsister, hantise du contrôle d’identité. Une précarité vécue pourtant avec un certain optimisme, notamment grâce à deux liaisons successives entre lesquelles la césure de la narration peine à demeurer discrète.

Ponctuée par la rencontre de Jallel avec la jolie Nassera (alias Aure Atika, pour une fois très crédible), la première heure de La Faute à Voltaire ne manque pas de charmes. Entre écriture bien sentie et improvisations habiles, le film sait trouver un ton original et se sortir des séquences les plus périlleuses. Celle du « mariage blanc » est à ce titre un modèle d’équilibre dramaturgique, à la fois euphorique et sous tension. Dans l’attente de la cérémonie officielle, Nassera et Jallel patientent dans le hall de l’hôtel de ville en compagnie d’une poignée d’amis. Passé l’engouement un peu factice que suscite l’événement (confettis, simulacre de rituel devant une caméra super-8…), le groupe commence à se disperser. Instant angoissant où l’on sent que tout peut arriver parce que, justement, rien ne se passe. Moment de confusion à l’issue duquel Nassera choisit de disparaître. Belle sortie de champ qui voit également notre intérêt s’évanouir peu à peu.

La suite s’avère en effet assez exaspérante et donne envie de rebaptiser le film La Faute à Elodie Bouchez. Très bien classée dans notre top ten des actrices à claquer, la Miss césarisée s’en donne à cœur joie dans les registres concomitants de l’imbécile heureuse et de la paumée nymphomane (elle couche pour vingt balles : tout un programme…). Pour la star du surestimé La Vie rêvée des anges, jouer équivaut à rire comme une attardée, s’exprimer en minaudant et lancer des regards pseudo-coquins un doigt dans la bouche. Ca, c’est de la composition, le gros cul plein écran en prime (beurk) ! A partir de là, impossible de s’attacher au déroulement d’un récit plombé par une telle présence. Du coup, le film s’étire et donne l’impression de n’en plus finir. Dommage, car La Faute à Voltaire a le mérite d’opter pour la bonhomie et la joie de vivre (si l’on excepte un dernier plan peut-être plus réaliste) alors que son sujet aurait pu donner lieu à une gravité pesante, voire consensuelle. C’est tout à son honneur et c’est ce qui le rend, en dépit des méga-scories précitées, extrêmement touchant et stimulant.