Après avoir débuté en tant qu’acteur dans les premiers films de Mohsen Makhmalbaf, Majid Majidi s’est rapidement tourné vers la réalisation et compte désormais quatre longs métrages à son actif, dont deux sont sortis en France : Le Père (1995) et Les Enfants du ciel (1999). Avec La Couleur du paradis, le cinéaste continue son exploration des relations père-fils et renoue avec la trame de son second film. Si dans Le Père, un petit garçon rejetait l’amour du nouveau compagnon de sa mère, c’est la situation inverse qui est mise en scène dans La Couleur du paradis. Cette fois-ci, Mohammad, un jeune écolier aveugle, ne parvient pas à se faire aimer de son géniteur qui le considère comme une charge pour la famille. Mais on retrouve dans les deux œuvres un même sens de la dramatisation (dans le premier, le statut d’orphelin du héros, ici, le handicap de Mohammad) et la même démonstration naïve agrémentée d’une bonne dose de lyrisme. Autant de qualités qui font de Majidi l’inventeur d’un genre cinématographique inédit : le mélodrame pour enfants.

Même si les ficelles sont grosses (mais n’est-ce pas là la caractéristique principale de tout bon mélo ?), le spectateur est souvent efficacement pris en otage par le drame en train de se jouer devant ses yeux. Difficile de ne pas verser sa petite larme face aux efforts déployés par Mohammad pour conquérir sa place dans la famille. Et ce d’autant plus que Majid Majidi a la bonne idée d’ajouter à cette triste histoire un récit d’initiation dans lequel Mohammad apprend à « regarder » et aimer la nature. C’est précisément quand Majidi filme les éléments naturels qu’interviennent les plus beaux moments du film. Le cinéaste témoigne une nouvelle fois de son habileté à faire cohabiter le végétal, l’animal et l’humain au sein d’un même espace. Empreints d’une délicatesse toute poétique, ces plans montrent, sans pour autant s’appesantir dessus, comment un aveugle perçoit le monde qui l’entoure. Une délicatesse de ton absente de la seconde moitié du film, dans laquelle le drame prend toute son ampleur avec la mort de la grand-mère et l’échec du remariage du père. Comme dans le précédent film de Majidi, seule une scène à valeur cathartique pourra débloquer la situation. A l’agonie dans le désert qui précède la réconciliation des protagonistes du Père, La Couleur du paradis propose une variante aquatique, la noyade dans la rivière. C’est quand Hashem croit avoir perdu son fils dans les flots qu’il réalise son amour pour lui. Une conclusion dont la candeur pourra faire sourire mais qui ne manquera pas de ravir le jeune public avide de happy ends. Pas de regrets, le film semble lui être plutôt destiné.