Les amateurs de James Ellroy attendaient depuis longtemps une adaptation cinématographique de son roman culte L.A. confidential. C’est chose faite avec le film de Curtis Hanson. La matière ne manquait pas pour obtenir un chef-d’œuvre, pourtant, il faut en venir à l’évidence, le résultat est assez mitigé.

En soi, L.A. Confidential est plutôt un bon film. Ce thriller bien ficelé respecte en tout point les règles du genre. Il précipite le spectateur dans ses chausse-trappes, use avec talent des fausses pistes et des retournements de situation. Son scénario tire le meilleur parti d’une construction à la Ellroy, faite de personnages multiples et d’intrigues imbriquées. L’optique de Curtis Hanson est de faire reposer son film sur une certaine ambiance. Cet exercice lui réussit véritablement bien. Sa vision du L.A. des années 50 se porte avant tout aux alentours de la colline d’Hollywood, celle que l’Amérique puritaine appelait la nouvelle Babylone. L.A. confidential est en constante résonance avec les hard boys – les films de gangsters de l’époque classique – tournés par Huston, Siodmak ou Hawks. L’archaïsme, tels la musique de consonance académique ou les costumes faisant appartenir Kim Basinger à un film de George Cukor, et la violence contemporaine, telle la scène de l’assaut du motel par une horde de flics ripoux, donnent naissance à un mélange anachronique tout à fait savoureux. Nous avons là du travail soigné et propre.

Trop propre, sans doute… Tout cela est un peu trop sage pour un Ellroy qui avoue, sans rejeter le travail de Curtis Hanson, que son « livre est plus sombre, plus froid et ses personnages plus révulsants ». Les trois détectives, au demeurant magnifiquement interprétés par Kevin Spacey – Usual suspects, Seven… – Russell Crowe et Guy Pearce, sont en effet un peu trop sympathiques pour fréquenter les bas-fonds de L.A., comme les conçoit l’écrivain. James Ellroy se place dans la pure tradition du roman noir américain. Pour lui, il n’est aucunement question de donner des justifications psychologiques aux actions de ses personnages. Seuls les actes comptent. Il n’y a pas d’homme profondément bon ou profondément mauvais, mais simplement des hommes qui récoltent les fruits de ce qu’ils ont semé. Ainsi, le film de Curtis Hanson emprunte trop souvent la pente savonneuse du mélodrame et ne peut éviter que le spectateur adhère totalement aux motivations des personnages. A titre d’exemple, Martin Sorcesse, cinéaste de rupture, met en place dans Casino un dispositif cinématographique dans lequel toute sympathie envers les personnages ne peut s’exercer. L.A. confidential se heurte au même écueil que la plupart des productions américaines du moment : celui qui consiste à refuser de peindre des protagonistes sans alibi psychologique, des personnages tout simplement mués par la nature humaine ; nature humaine toujours vile et mesquine, naturellement.
L.A. confidential est un bon thriller de plus, mais il serait malhonnête d’affirmer qu’il est la retranscription fidèle du talent de James Ellroy à l’écran.