Hormis le pamphlétaire J’accuse (1919) d’Abel Gance, peu de films dans l’histoire du cinéma ont osé traiter des « gueules cassées », ces soldats qui revenaient défigurés des tranchées de la guerre 14-18. Avec La Chambre des officiers, tiré du roman homonyme de Marc Dugain, François Dupeyron reprend les choses là où le 7e art les a laissées. Une tentative honorable de la part du cinéaste qui choisit de s’attaquer à un sujet délicat et, disons le franchement, peu attrayant.

Parti « la fleur au fusil », Adrien est un jeune et séduisant lieutenant dont la vie bascule le jour où, lors d’une mission de reconnaissance, un obus éclate et lui arrache le bas du visage. Opposant le calme et la beauté de la forêt que traverse le héros à l’horreur du drame qui survient brusquement, François Dupeyron réussit à trouver un ton original pour mettre en forme cette scène choc. Dénuée de toute emphase et d’effets de surenchère, celle-ci pourrait tout aussi bien faire partie des mille et uns récits de guerre au cours desquels nombre d’anonymes rencontrèrent la mort ou la souffrance. Dommage que par la suite le cinéaste abandonne cette tonalité quelque peu dissonante au profit d’une mise en scène emprunte d’un classicisme assez désuet, privilégiant principalement l’illustration de scénario. Si dans la première demi-heure Dupeyron s’autorise une « fantaisie » narrative (lorsque Adrien intègre à l’hôpital la « chambre des officiers », réservée aux gradés atrocement défigurés, son visage est recouvert d’un drap, seule sa voix en off exprime ses pensées), celle-ci n’est pas novatrice, car largement empruntée à un autre film évoquant les horreurs de la guerre : Johnny got his gun de Dalton Trumbo.

Ce n’est donc pas du côté de François Dupeyron qu’on partira en quête de formes nouvelles et d’audaces stylistiques. Le cinéaste semble en effet perpétuer la tradition d’une certaine « qualité française » ; des oeuvres bien écrites et filmées assez efficacement. Mais si La Chambre des officiers est loin d’être un long métrage enthousiasmant, on saluera tout de même la sobriété de l’ensemble qui rend leur simplicité et leur dignité à ces héros de la Grande Guerre qu’on ne considérera pas une seule fois comme les monstres spectaculaires d’une parade de mauvais goût.