Le documentaire de Dorine Brun et Julien Meunier a la clarté de son sujet : une campagne électorale au travail. Plus exactement, la campagne des deux candidats principaux des élections municipales de Corbeil-Essonnes, ré-organisées en octobre 2009, suite au désaveu par le Conseil d’État du maire sortant, le milliardaire UMP Serge Dassault, soupçonné d’avoir acheté des voix pour sa réélection en mai 2008. Le film a pour lui la spécificité de ne jamais se détourner de l’essentiel : la parole du peuple, des habitants mêmes de la commune, jeunes ou vieux, travailleurs ou chômeurs, blacks, blancs ou beurs, de droite ou de gauche. Quoi de mieux qu’une période d’élection pour voir comme jamais les langues se délier (on entend ici toutes sortes de points de vue autour de l’apport de Dassault à la municipalité, le risque pour la ville de retourner au communisme, qui, dit-on, ne fera qu’anéantir les efforts de près de quinze ans) mais aussi observer l’engagement des hommes dans le mouvement (distribution de tracts dans un marché, Dassault qui mange un kebab en compagnie de potentiels jeunes électeurs, un mouvement de contestation CGT…) ?

Très bref (à peine une heure), La Cause et l’usage, sans doute aussi parce que ses signataires sont des habitants de la commune, est une photographie sobre et édifiante non pas de la politique comme territoire de la magouille (même si la désignation par Dassault de son ami Jean-Pierre Brechter comme candidat de substitution pose d’emblée question), mais de son imbrication dans le moindre atome d’une société. La potentialité d’un changement d’ère, d’un départ de Serge Dassault, qui occupait ce poste depuis 1995, hante le paysage, pousse tous les protagonistes du film à mettre à nu leur propre parcours (notamment Rachid, ex-militant PS devenu UMP, peut-être pas si certain de son véritable positionnement, en octobre 2009), et les électeurs du futur à tendre une oreille plus attentive aux conseils et bilans des grands frères.

Captation modeste et intelligente d’un épisode de vie commune qui, si l’on peut lui reprocher une neutralité le privant un peu de mordant, n’en demeure pas moins une efficace manière d’appréhender la scène politique, théâtre à ciel ouvert, territoire du mot définitif, de la représentation de soi, parfois même de l’auto-caricature.