L’action de Jin-Roh prend place dans un Japon fictif, au lendemain d’une Seconde Guerre mondiale remportée par les nazis. Le fort taux de criminalité et les mouvements d’opposition ravagent la ville de Tokyo, sans que les émeutes ne puissent être maîtrisées. Fusé, personnage principal, fait partie de la division Panzer. Chargée de maintenir l’ordre, elle se doit d’utiliser les moyens les plus radicaux pour arriver à ses fins. Durant une rafle, le protagoniste se retrouve face à une jeune terroriste armée ; pris de pitié, il est alors incapable de l’abattre et sera par la suite déchu de ses fonctions pour avoir commis une telle faute. Son renvoi de l’unité Panzer le conduira au centre d’une conspiration politique complexe…

Aussi magnifique soit-il, tant au niveau du dessin que de l’animation, Jin-Roh souffre malheureusement du défaut majeur d’un grand nombre de mangas japonais : son esthétique extrêmement travaillée est mise au service d’une histoire factice et brumeuse. Face à de tels complots gouvernementaux, machinations torturées et autres coups de théâtre utilisés à l’excès, on en vient à se demander si le long métrage d’Okiura n’est pas une parodie du genre qu’il veut incarner : le thriller politique… Maniant ses éléments scénaristiques de manière on ne peut plus négligée (le film n’est qu’un bout à bout de séquences balancées sans souci d’enchaînement logique), le réalisateur se contente de faire passer son intrigue uniquement au travers des dialogues. Pour comprendre Jin-Roh, il faut donc s’accrocher aux interminables scènes de conversations politiques ponctuant lourdement l’ensemble, et durant lesquelles pratiquement toute l’histoire se construit. Régulièrement, les scènes d’action, ou encore certains magnifiques plans contemplatifs, réveillent le spectateur qui se réjouit alors de ne plus avoir à réfléchir durant quelques minutes. Impossible de nier que ces passages constituent la puissance du long métrage, tant de beauté ne pouvant laisser quiconque indifférent… Mais derrière l’incontestable qualité des dessins se cache honteusement la réalisation stérile d’Okiura, car les images ici ne racontent rien, elles ne servent qu’à être admirées. On se retrouve ainsi tiraillé entre réflexion intense et contemplation visuelle.

Difficile de résister à la tentation, et pour beaucoup le choix sera vite fait ; l’ennui profond provoqué par un scénario alambiqué nous amène à focaliser notre attention sur les qualités premières du dessin animé : la beauté d’un long plan fixe sur un lever de soleil, le réalisme d’une reconstitution du Tokyo des années 50, une animation incomparable due à l’énorme travail que suscite le celluloïd… Tous ces détails nous poussent à élever Jin-Roh au rang de chef-d’œuvre pictural, mais ne nous empêchent nullement de le considérer comme un mauvais film.