Retour en douceur de la collection « Décadrages », avec deux moyens métrages dissemblables mais réunis par la délicatesse de leurs titres respectifs, aussi beaux qu’intrigants, têtus mystères. Le plaisir, d’abord, de présenter deux nouvelles têtes parmi les jeunes cinéastes français : L’Etoile violette est la première réalisation d’Axelle Ropert, que l’on connaît pour son activité de critique, de chroniqueuse mondaine et d’animatrice de la revue La Lettre du cinéma, mais aussi pour son rôle de gouvernante pète-sec dans l’enchanteur Mods de Serge Bozon, dont elle a cosigné le scénario. Un Camion en réparation est aussi une première réalisation, signée Arnaud Simon, comédien dont le verbe haut et fleuri résonne essentiellement sur les scènes de théâtre, même si l’on a vu à quelques occasions sur l’écran, notamment dans L’Âge des possibles de Pascale Ferran. Un Camion en réparation est un film estival et chlorophylle, un traité sentimental ; L’Etoile violette est plus urbain et plus sec, un traité des affects. Tous deux partagent toutefois une même subtilité qui se dévoile à petites touches, qui sait prendre son temps malgré leur format court.

Le film d’Arnaud Simon se repose sur l’épaule d’Eugène, 20 ans, qui passe l’été à la campagne : temps chaud, soleil radieux, le paysage sourit et Eugène voit Pierre, il l’aime tout de suite, à peine l’a-t-il rencontré qu’il est sur ses genoux, puis l’embrasse. Tout est bien, tout est simple, c’est comme si le soleil décidait de la mise en scène : plaisir du temps partagé en plein air, bien-être qui vous ravit et apaise tout, c’est le vert qui est roi, une atmosphère de sieste et de repos. C’est aussi comme si l’astre du jour avait durci ses rayons, et souvent on ne sent pas le coup de soleil venir, cette brûlure silencieuse : lorsque Pierre repousse l’envahissant Eugène, le film prend les atours nouveaux d’une déprime paradoxale puisqu’il fait beau, où chaque personnage ne parvient plus à rester en phase avec cette température. Cruelle douceur des sentiments généreusement offerts et qui vous reviennent à la figure, alors on aimerait ressembler à un camion en réparation, pour être pris en soins, être consolé, et heureusement le film est là, qui ne laisse jamais seuls ses personnages et ses spectateurs.

Le film d’Axelle Ropert se partage entre trois lieux : une salle de classe de philosophie, l’atelier d’un tailleur strict et solitaire, la forêt imaginaire où ce dernier rencontre la figure tutélaire de Jean-Jacques Rousseau, le temps d’une brève leçon d’éducation. L’Etoile violette est plutôt Jean-Jacques que Rousseau, plus intime et vissé sur les affects de ses personnages qu’il ne ressemble à la morne élocution des cours de philosophie. La sévérité et la droiture de la mise en scène sont veinées d’une mélancolie grise et un peu lasse, comme si l’une et l’autre des humeurs du film s’injectaient des piqûres de rappel. C’est encore un film sur la rencontre, et comment la solitude du modeste tailleur est rompue deux fois, dans la forêt de Jean-Jacques, puis par la grâce de magnifiques panoramiques serrés sur les murs de son appartement, qui sont pareils à des fenêtres ouvertes sur son cœur triste, encore un, qui demande moins réparation qu’un discours sur l’origine et l’égalité de tous devant ce qui interpelle les philosophes : comment vivre ensemble ?