L’Escorte est un premier film bricolé (le ton est donné dès le départ : gros grain du 16mm et musique de pacotille), ce qui lui confère un certain charme vite estompé par son côté désordonné et complaisant. Philippe et Jean-Marc voient leur vie de couple pépère (ils sont ensemble depuis huit ans) troublée par Steve, « escorte » (prostitué) ayant atterri dans leur demeure suite à un malentendu. L’Escorte tente de brasser avec humour des thèmes aussi universels que l’amour, la mort et la maladie (via le SIDA). Mais comme on pouvait s’en douter, et malgré une franchise assez constante (notamment dans la scène de cul initiale), le film n’évite pas les facilités et enfonce souvent des portes ouvertes, surtout au niveau des dialogues. Exemple type : Steve parle de l’un de ses amants mort du SIDA, ce à quoi Jean-Marc lui répond : « Ca ne risque pas de changer; bienvenue en l’an 2000… ». Denis Langlois, assez courageusement, a introduit dans son film une caméra vidéo avec la belle idée d’en faire un instrument laissant libre cours aux penchants artistiques de ses personnages alors qu’elle ne devait être au départ qu’un outil voyeuriste. Mais là encore, ça ne fonctionne pas : la prose pseudo-lyrique de Philippe devient vite insupportable (même si Langlois s’en moque) et l’approche esthétique du dispositif frise le néant. De même, l’icône du martyr de Saint-Sébastien vers laquelle tend tout le film n’aboutit à rien de bien excitant (sensuellement et intellectuellement parlant). Alors, il ne reste plus qu’à se dépayser grâce à certaines expressions typiquement québécoises (lâcheté un peu minable à laquelle l’on a toujours recours lorsqu’un film de cette nationalité est raté) et à attendre qu’un distributeur se décide à nous proposer la dernière œuvre d’André Forcier, seul cinéaste québecois important en activité (sauf preuve du contraire) et dont l’incroyable Vent du Wyoming avait été mésestimé lors de sa sortie en France.