Palme d’or ex aequo à Cannes avec La Méprise d’Alan Bridges en 1973, L’Épouvantail revient sur nos écrans pour notre plaisir et offre l’occasion de le redécouvrir. Un peu oublié à cause du scandale cannois créé par La Maman et la putain de Jean Eustache et La Grande bouffe de Ferreri, L’Épouvantail est un de ces films imprégnés par l’expérience américaine du Vietnam et qui fait parti du thème typiquement américain, mais généralement réussi du « loser ». Il s’agit de deux losers dont le but est pour l’un de fonder une entreprise de lavage de voitures à Pittsburg, pour l’autre de voir son enfant et affronter son ancienne compagne établis à Détroit. Le premier est d’une nature violente et d’un physique musclé cachant un coeur tendre (Gene Hackman), le second, jeune et de petite taille, est d’une nature sensible et drôle (Al Pacino). Ce dernier ne sait contrôler les situations plus ou moins dramatiques que par le rire et c’est celui-ci qui détient la philosophie du film.

L’Épouvantail n’est pas un film scandaleux, sulfureux ou porteur d’un message pseudo-philosophique à propos du sujet traité ou de la manière de filmer. Il entend tout simplement prendre le meilleur parti de ses acteurs et nous proposer un constat de plus sur une société en dérive. L’Épouvantail est un hymne réussi à l’amitié et s’il y a une audace (indispensable aux grands films), c’est celle d’avoir laissé le temps aux acteurs de nous communiquer leur bonne volonté à affronter ce qui les entoure, par des plans longs à peine mobiles mais détenteurs d’une émotion touchante et vraisemblable. La violence est filmer de loin quand il s’agit d’une « routine », de près quand elle touche au drame. La distance que la caméra prend à propos de ce qu’elle traite est le moteur du film. La mise en scène relève de cette fausse simplicité qui est celle du dépouillement. Ainsi, la force du film réside dans l’émotion qui émane des deux personnages, joués par les « stars » montantes du moment, qui protègent ce qu’ils ont de plus précieux : l’amitié. Elle y est tellement importante qu’elle se confond à la fraternité. Le lien entre eux devient fraternel et même filial. Une seule chose peut les désunir, c’est la société ou les liens qu’ils avaient avec elle auparavant.

Ce film a été réalisé par un regard juste qui a réussi à éviter les cartes postales d’un « road-movie » se confondant avec de beaux paysages. Ce ne sont plus les paysages mais les acteurs qui se livrent à de « beaux » morceaux de bravoure et qui se complétent grâce aux caractères différents que proposent leurs personnages.