De retour des States après une série B (Hostage), un projet de film sur la guerre d’Algérie dans la musette, Florent-Emilio Siri est déçu : l’Algérie, c’est pas le Vietnam. Et ça, c’est une grosse désillusion pour un filmmaker. Les Américains ont le génie de l’uniforme, c’est bien connu, et leurs armes ont de la gueule. Siri aurait aimé filmer le Vietnam, mais il est français. Qu’à cela ne tienne, ses bidasses à lui porteront un paquet de cigarettes sur le casque, façon marines. Et par bonheur les conseillers historiques du film ont révélé à Siri que l’armée française a utilisé du napalm. Chouette, une scène de napalm, comme dans les Vietnam movies. Aurélien Recoing a aussi compris la leçon, et il est rien moins qu’énormissimou en Colonel Kilgore de Prisunic, avec sa camisa negra et sa barbe en collier. A côté de lui, Magimel en militaire humain, et Dupontel, ganache tourmentée, s’affrontent dans un psychodrame martial archi convenu, sur fond de questions qui tuent : peut-on garder ses idéaux quand on est confronté à la réalité du terrain ? N’a-t-on jamais le droit de torturer, même dans certains cas ? L’ennemi, au fond, n’est-ce pas avant tout soi-même ? Combien Dupontel peut-il faire d’abdos à la suite ?

Après Jan Kounen vs. la société de consommation (99 francs), la guerre d’Algérie revue et corrigée par Siri est un nouveau carnage où un jeune cinéaste soi-disant cool, voulant soulever les haltères des gros sujets avec des biscotos de minipouss, vient s’emplafonner contre le mur des prétentieux. Se frottant à des questions bien trop compliquées, Siri a choisi son camp : il est ni pour ni contre, bien au contraire. Chacun a ses raisons, c’est bien connu, et cela se vérifie à mesure que s’empilent dilemmes et remises en question, toutes d’une affligeante puérilité. Siri a beau se donner du mal pour faire croire le contraire, c’est tout sauf un cinéaste américain, chez qui l’action n’est en rien paralysée par des grossujés, mais ouvre naturellement sur un abyme de questionnements. Ici, au contraire, Siri se sent obligé de faire le bon élève en ramenant sur le tapis, non sans faux-dercherie, son pot à dissertations, dans lequel il touille avec la sensibilité du Général Bigeard, car ne l’intéresse que le côté béret vert de la vie : virilité bien burnée, gars qui en ont vu des vertes et des pas mûres, odeur du napalm au petit-déjeuner. Et, au bout du chant des bidasses, un refrain : à Saïgon ou dans l’Oued, la guerre c’est moche, putain, ouais. Moche à faire, mais cool à regarder. Parce qu’il aime bien les effets spéciaux, Siri a rajouté un plan sur un type à qui le FLN a coupé le nez, et vu à travers une paire de jumelles, ça rend vachement bien.