Difficile de faire plus Kim Ki-Duk : sur un bateau de pêcheurs (à tous les sens du terme), un vieux bougon séquestre une nymphette pour se marier avec elle. Laquelle, entre espièglerie et lobotomie heureuse se laisserait bien tenter par un jeunot de passage. Pour tuer le temps et accessoirement lire l’avenir, le tandem opère un rituel cupidonesque version bouddhiste où l’une se balance devant le prophète tandis que l’autre décoche quelques flèches. Après, bien sûr, avoir bandé son gros arc avec délectation, fébrilité et excitation. Jeu de mot facile mais Kim Ki-duk ne se prive pas non plus de symboles poids lourds. En fait, L’Arc n’est que cela : une grosse métaphore de l’état de forme du cinéaste, manifestement jamais fatigué de tourner même quand ses thèmes de prédilection arrivent en fin de vie. Ne pas y voir de crise de gâtisme mais un plaisir modeste de la redite, comme si au fond un film n’était qu’un brouillon mille fois griffonné sur le coin d’une page blanche.

D’où un film lénifiant, qui fait du condensé d’espaces et d’enjeux une matière brute, mal dégrossie. On pense à l’arc, objet étriqué dans son expressivité et pourtant réceptacle d’une abstraction lourdingue qui confine à la plus grande complaisance. Kim Ki-duk en saucissonne les significations comme autant de lames d’un grand couteau suisse (instrument de musique, arme, phallus et conscience du temps qui passe) qu’il déplie en fonction du chapitre adéquat. Même formellement, le film n’a rien du bel ouvrage world qu’offrait au moins l’académique Printemps, été, automne, hiver… et printemps : photo vaguement granuleuse, plans larges avec vue sur la mer, au mieux une vague ode vintage aux vieux chalutiers et à la mythologie asiatique brossée sans conviction. Pour preuve : le maniérisme, réduit à peau de chagrin lors de séquences chorégraphiées. Un plan serré en musique, le visage d’une femme ou quelques grigris Nature et découvertes suffisent à rendre heureux Kim Ki-duk qui, du coup, laisse l’envoûtement au niveau zéro.

Ce pis-aller sauve finalement le film de la nanardisation absolue. Même quand il s’engorge de figures éléphantesques (le bateau habité par l’esprit du vieux qui coule sur fond de musique traditionnelle), le rachitisme de la mise en scène suffit à assécher l’essentiel de manière vaguement digérable. D’autant que Kim Ki-duk reste imperturbable d’un bout à l’autre, certes lourd, mais jamais laborieux. Au moins L’Arc, machin exotique à la fois périssable et atemporel, fait office de mise au point : le cinéaste coréen n’a d’envergure que celle d’un pondeur industriel de jolies verroteries festivalières.