Librement adapté du célèbre roman homonyme de Ferdinand Bordwidjk, le film de Mike Van Diem est la preuve concrète que l’on peut malheureusement faire les mêmes films en Europe qu’à Hollywood. Bénéficiant apparemment d’un gros budget, Karakter pourrait aisément remplir le cahier des charges imposé aux œuvres sortant des majors américaines, et ce n’est pas par hasard si le film a remporté l’Oscar du meilleur film étranger en 1998 (à la place, souvenez-vous, de Hanna Bi de Kitano !). L’histoire est romantique et lyrique à souhait : un jeune homme, né dans la misère, va peu à peu gravir les échelons de la réussite sociale dans le seul but de rivaliser avec son père, un riche huissier sans cœur, qui avait engrossé sa mère alors qu’elle était gouvernante chez lui. Comme on s’en doute dès le début du film, le père n’est au fond pas vraiment mauvais et le fils l’aime plus qu’il ne le déteste en apparence. La musique envahissante est un véritable clone de celle de Basic instinct, nous rappelant que Van Diem veut aussi traiter son sujet comme un thriller. Rien n’est vraiment surprenant, hormis le traitement du son, très agaçant, se bornant à souligner les moments de crise (coups de poing, portes fracassées, porte franchie, saut à terre…) par un volume qui soudain se fait plus élevé, et exerce un désagréable choc sur nos oreilles (au cas où quelqu’un se serait endormi dans la salle ?). Les personnages sont outranciers et simplistes jusqu’à la caricature : le jeune premier, la mère dure mais juste, le père brutal mais finalement sensible, etc. Il reste cependant Jan Decleir, acteur de théâtre néerlandais très connu, dont la prestation semble indiquer la direction plus originale qu’aurait pu prendre le film. Tel une icône, le visage impassible de ce père cruel incarne une image publiquement affichée qui nourrit l’imagination du héros, mais aussi une complexité intérieure jamais élucidée. Si le réalisateur s’était plus concentré sur la relation amour-haine entre père et fils, en oubliant les à côtés romanesques très « Dickens » (l’enfance malheureuse du héros dans les bas-fonds de Rotterdam, son ascension sociale, son histoire d’amour, son amitié avec un jeune communiste…), le film aurait pu retranscrire une ambiance intimiste et torturée nettement plus fascinante que cette adaptation archi-classique du roman de Bordewidjk.