Le premier carton du générique nous prévient que le film a été reconnu d’intérêt national par des instances officielles italiennes. Bardé d’un tel avertissement, le spectateur a le choix, selon sa personnalité, entre le rire étouffé et la prosternation solennelle. Kaos II se veut, en fait, la suite de Kaos, film réalisé par les frères Taviani en 1984 et déjà adapté de nouvelles de Luigi Pirandello, d’où la caution culturelle en préambule. Orchestré autour de personnages inspirés par l’œuvre de l’écrivain, le film relate trois histoires dans une imbrication formelle déconcertante de fatuité.

La première histoire décrit le rapport douloureux de Felice, comptable d’opéra et ancien baryton, avec la musique. La nuit, il rit à tue-tête (tu ridi signifie « tu ris » en italien), faisant le désespoir de sa femme qui finit par le quitter. D’autre part, son collègue de travail se suicide le lendemain, par la faute du directeur de l’opéra. Felice, dépité à la suite de tous ces événements, décide alors de se venger. Situé dans la Rome des années 30, lors de l’avènement du fascisme, ce premier récit séduit mollement par l’allure débonnaire du personnage principal (interprété par Antonio Albanese), mais sans jamais réussir à nous faire oublier un filmage plat et télévisuel.
Le deuxième récit (Les Deux séquestrés) engage alors le film dans une véritable catastrophe pseudo-théorique : un fait divers relatant la prise en otage d’un enfant dans la Sicile contemporaine fait contrepoint au kidnapping d’un médecin par des villageois au siècle dernier. Dans les deux cas, les otages mourront, le parallèle consistant à signifier l’évolution de la violence.

Moralistes, les frères Taviani ? Assurément. Démonstratifs ? Sans aucun doute. L’instinct du mal peut resurgir chez chacun de nous, les meilleurs comme les moins bons, à tout moment, hier comme aujourd’hui. Voilà pour le discours. La paresse de la réalisation et du montage laisse, en outre, transparaître une totale absence de cohérence artistique. A aucun moment le film n’a les moyens de justifier son propos stylistique, tellement celui-ci est gagné par sa propre vanité. Kaos II donne ainsi l’impression d’un assemblage disparate de trois courts métrages dont le projet n’a ni enjeu, ni véritable ambition. Et toutes les « prétentions » d’usage pourront accompagner Kaos II, ça ne l’empêchera pas d’être un film insignifiant et inutile qui n’apporte rien à la gloire définitivement enterrée du cinéma italien. Il vaut peut-être mieux finalement en rire.