Curieusement demeuré inaperçu depuis sa réalisation, en 1996, cette chronique de guerre se déroule au coeur du conflit en ex-Yougoslavie, à ce moment particulier d’une guerre où, passé le chaos des premiers moments, la violence s’installe, comme un décor, le bruit devient un rideau tendu autour de la ville. C’est le moment où l’affrontement militaire est peut-être ressenti le plus intensément par la population civile, parce tout prend l’allure d’un théâtre, et que les vies ne sont plus mises entre parenthèses, en suspens, mais comme dilatées par une situation brutale qui n’en finit pas de s’étirer. C’est précisément ce décor qui sert à François Lumel de métaphore centrale de son sujet, puisqu’il en reconduit la présence à travers son récit des jours d’une troupe de théâtre persistant à jouer une pièce, tous les soirs, durant le siège de Sarajevo. Senka et son beau-frère Zan, jeunes comédiens, partagent une maison à quatre, avec leurs conjoints respectifs. Camac, soldat dans l’armée bosniaque, amant de Senka et frère de Zan, doit régulièrement partir au front, ajoutant l’attente de son retour à celle que tout, enfin, redevienne comme avant.

L’Arlésienne -Camac- donne sa couleur et son rythme au film, lequel s’immisce, avec précision et douceur, entre le déficit d’une présence (Camac) et l’excédent d’une autre (la guerre). François Lumel ne s’attarde guère, finalement, sur la charge symbolique du théâtre continuant malgré tout, de l’art plus fort que la guerre. Un peu à la manière du Dernier métro de Truffaut, le meilleur du film n’est pas dans son sujet, mais dans cette tranquillité étrange du titre. Les scènes de vie quotidienne y sont plus convaincantes que celles du théâtre comme si le film accréditait, peut-être à son corps défendant, cette idée que les « jours tranquilles » sont plus forts que le symbole un peu scolaire de l’art vainquant la barbarie. Chez Senka et Zan, on boit, on s’inquiète, on rit aussi, avec ce détachement noble et presque aristocrate qu’ont les êtres capables de se transformer en acteurs, non pas seulement d’une pièce, mais aussi de leur propre existence.