Mr Bean est de retour dans la peau d’un James Bond à deux mains gauches, seul survivant des services secrets de sa majesté (les autres sont morts), et du coup affecté à la protection des joyaux de la couronne, convoités par un méchant Français. Avouons-le d’emblée, on préfère nettement les aventures de l’anonyme « Monsieur Haricot » (cf. la chronique du film) à cette parodie où Rowan Atkinson endosse le rôle d’un pur personnage de fiction. D’abord parce qu’un comique tel que Rowan Atkinson, que l’on tient volontiers pour noble avec sa foi dans un burlesque tendre et un peu désenchanté, n’est jamais aussi bon que lorsqu’il est lavé de toute trace de fiction pré-établie. Lorsqu’il ne naît pas comique, maladroit, ingénieux ou ingénu, il le devient. En incarnant un James Bond à la ramasse, il passe dans un autre registre où le comique est la donnée de départ, où tout découle d’un axiome initial donné pour ce qu’il est, c’est-à-dire quelque chose d’écrit, de posé, d’immédiatement opérant (la simple contradiction dans les termes, l’énoncé antinomique : « un James Bond gaffeur »). Dans ce passage d’un régime comique à un autre, le corps de Rowan Atkinson perd un peu de sa candeur, lâche du lest du côté du scénario, ce qui se ressent automatiquement dans la mise en scène : ce n’est plus le corps de Bean qui enclenche la mise en scène, c’est celui, cousin, de Johnny English qui se contente de suivre le fil d’un scénario.

Cela étant dit, ce Johnny English ne manque pas de charme, et suscite une naturelle sympathie. Ayant pour partenaire un John Malkovich impayable en méchant mangeur de grenouille cristallisant l’ancestrale animosité franco-britannique avec beaucoup d’énergie (du fond de son accent à couper au couteau, il fomente un plan visant à faire de l’Angleterre, sur laquelle il compte régner, un pénitencier géant pour tous les rebuts de la terre -c’est le diptyque Escape from New York / Los Angeles de Carpenter revu et corrigé à la sauce Jeanne d’Arc), Atkinson s’en sort relativement bien. Mais quelque chose, décidément, manque à ce Johnny English. L’exploitation fonctionnelle du concept de gaffe (tout rater, sans exception) est un peu lassante, elle semble, en tant que programme, dispenser le film d’une véritable folie qui pourrait emporter le morceau (en érigeant la gaffe en principe et en système, par exemple, atteindre un point de non retour dans son exercice). C’est dommage, Rowan Atkinson n’a jamais vraiment su percer dans une région de la comédie qu’il est pourtant le seul, aujourd’hui, à explorer. Mais quoi qu’il en soit, malgré cette déception confirmée par le présent film, il a toute notre amitié.