Si à première vue, le premier long métrage de Yann Samuell ressemble à un film d’élève un peu zélé, tombant dans tous les petits travers de la veine comico-poétique post-Amélie Poulain -effets spéciaux et retouches numériques grossières, mouvements de caméra dignes d’un mauvais jeu vidéo, déluge de couleurs vives à faire pleurer de rage Jacques Demy, bruitages excessifs et musique envahissante-, quelque chose pousse à l’aimer malgré tout. Derrière le petit refrain moralisateur qui semble le guider (conserver à tout prix son enthousiasme d’enfant pour résister au monde hypocrite et effrayant des adultes), Jeux d’enfants se laisse en effet traverser, jusque dans ses faiblesses, par une grâce loufoque et pleine de féerie.

L’intrigue est d’une simplicité confondante : Sophie et Julien se sont rencontrés dans leur petite enfance. Ils ont inventé un jeu dont ils sont les seuls joueurs, et qui leur sert de bouclier contre les agressions des « autres ». Mais l’amour pointe le bout de son vilain nez pour bouleverser le jeu… Dans leur monde irréel où seule compte la vie qu’ils se sont inventée, les deux protagonistes jouent à réaliser les fantasmes du tout un chacun : dire des gros mots aux adultes, ces ogres contre lesquels on manigance dans une complicité délirante, renverser les tables en plein milieu d’une cérémonie, faire l’amour dans les toilettes du lycée, se déshabiller dans un lieu public, etc. Yann Samuell s’amuse de ces petits plaisirs ludiques avec une fluidité déconcertante, le mot « cap » annonçant souvent une surprise hilarante. On regrette même que les enfants deviennent si vite grands, tant la caméra semble les aimer, et épouser leurs moindres faits et gestes.

La deuxième partie du film, moins soignée, voit certains gags s’épuiser à force de systématisme, le principe du « cap, pas cap » s’engorgeant vite dans un gnangnan romantique superflu. La faute probablement au manque de personnages secondaires : les deux acteurs principaux peinent à assumer un film qui repose presque entièrement sur leurs épaules. Heureusement, une surprenante conclusion renoue avec la douce fantaisie du début : on reste alors sous le charme de ce coup d’essai empli d’une folie singulière, et qui a su garder avec bonheur, au prix d’évidentes maladresses, une âme d’enfant retorse à toutes les morales.