Il y a un plan très réussi dans Jet set. A Saint-Tropez, au coeur de l’opulence et de la débauche, une jeune starlette, dos au soleil couchant, fait couler du champagne sur ses seins nus tout en dansant. On se dit alors qu’un film reste à faire, un film sur le regard vide de cette fille-là, sur la tyrannie du fric et de l’excès conduisant jusqu’à l’oubli de soi. Mais en réfléchissant mieux, on s’aperçoit que ce film existe en partie sous la forme d’un clip réalisé par Chris Cunningham pour les Aphex Twin et leur titre Window licker. On y retrouve pratiquement la même image, sauf que les salopes y ont perdu leur visage au profit d’un faciès monstrueux et mutant, telles des figures contemporaines de Gorgones aux corps suintant la chair et la sueur.

Ce n’est toutefois pas l’ambition de Jet set, davantage du côté de la caricature que de la satire, et surtout loin de l’horreur que ses personnages pourraient pourtant susciter. Justement, parlons un peu de ces héros : d’un côté, les prolos (« Nous », comme le proclament les affiches un brin méprisantes) et de l’autre, les riches (« Eux »). Entre « eux » et « nous », Mike (Samuel Le Bihan, pas très bon) assure le lien. Comédien au chômage, il est chargé par un de ses potes dont le bar est en faillite d’infiltrer la jet set parisienne afin de ramener quelques spécimens dans son rade de banlieue et faire ainsi repartir les affaires. Non sans gaffes, Mike réussit à s’introduire dans une soirée très courue en se faisant passer pour Alessandro Di Segaffredi, prince italien imaginaire. C’est Arthus de Poulignac (Lambert Wilson, parfait), « jet setter » de première classe, qui va prendre le faux prince sous son aile…

Onteniente et ses scénaristes ont plutôt bien croqué cet éden superficiel peuplé d’actrices sur le retour (il faut voir Elli Medeiros au sortir d’un lifting, lisant L’Alchimiste sur son lit d’hôpital), de petites célébrités et de poseurs mondains. On retiendra les performances d’un José Garcia en millionnaire brésilien amoureux du sexe presque autant que de sa fortune ou d’une Aurore Clément en grande organisatrice toujours dépassée par les événements. Avant toute chose, Jet set vaut donc pour le plaisir procuré par ses comédiens, grâce auxquels le film d’Onteniente parvient souvent à être plus efficace que la moyenne des comédies à caractère néo-beauf.