Où est l’ambition du second film de Thomas Vincent ? Difficile à formuler, elle est grande pourtant. Se lirait autour de la conjugaison entre grand scénario de la perversité, proposition de film noir provincial, polar métaphysique et entreprise de filmer le Mal comme une coulée de lave, un filet de sang au coin d’une lèvre. De ces trois horizons, le cinéaste n’en atteint réellement aucun. Malédiction du cinéma français, lorsqu’il entreprend de telles croisades ? Sans doute un peu. Entre Giraudeau, écrivain à succès sans inspiration, en instance de divorce avec sa femme qui lui réclame la moitié de ses royalties, et Cluzet, auteur de talent sans éditeur, d’abord un pacte diabolique conclu dans un train, façon L’Inconnu du Nord-Express : tue ma femme, écris mon roman, je le signe, à nous la fortune. Tope là. Ensuite les choses s’enveniment, l’épouse du tueur comme envoûtée par l’odeur du sang en veut plus, goûter elle-même aux délices du crime, tuer ou se faire tuer, sentir le Mal glisser sur sa peau.

Donald Westlake, l’auteur du Contrat dont Je suis un assassin est l’adaptation (Made in USA de Godard et Point blank de Boorman sont également inspirés du même auteur), est, dit-on, parfois soupçonné de misogynie. Toujours est-il que le meilleur du film est là, ou pourrait l’être, dans cette série de confrontations malsaines homme-femme, cérémonies sacrificielles et triviales, menées sur le rythme d’une chanson de variété ou sous l’éclat d’un soleil propre. Il y a de la part de Thomas Vincent un réel culot, louable, à vouloir ainsi se colleter le grotesque et la couleur rouge qui aère un peu l’étau formé autour du film par, disons, un stratagème hitchcockien et -Cluzet oblige- un soupçon d’enfer chabrolien. Mais ce désir de se laisser séduire par un fantastique pourpre perçant la tranquillité des décors de province, le film le revendique maladroitement. Grimaces des acteurs, audaces éventées, épilogue archi convenu = grammaire de la noirceur étalée sur papier, navigation à vue parmi la forêt géante des tortillements du Mal, dont Vincent peine à suivre les zigzags. Cible ratée davantage que ratage, Je suis un assassin est une fumée sans feu.