Jean Pierre Améris est un de ces cinéastes français nageant entre deux eaux, descendant d’une génération de faiseurs qui revendiquent néanmoins leur estampille d’auteur (de Tavernier à Jean-Loup Hubert). Estampille se traduisant généralement par une marotte. Pour Améris, c’est la noirceur, son truc. Mauvaises fréquentations, C’est la vie ou Les Aveux de l’innocent sont aisément diffusables en prélude à un Ça se discute sur les tournantes en banlieue, la vie des cancéreux en phase terminale et la mythomanie pathologique. Nouveau dossier avec Je m’appelle Elisabeth, qui convoque le conte de fée et Françoise Dolto. L’intrigue ? Le parcours initiatique d’une fillette perturbée par le divorce de ses parents, qui cache dans son garage à vélo un schizophrène évadé de l’asile de son père.

On devine rapidement ce qui se cache derrière un tel pitch. D’abord un psychologisme à tout crin avec images blindées de symboles, bouleversement familial (disputes parentales hors champ, grande soeur partie en pension) et tutti quanti. Terrain balisé par une flopée de téléfilms sans qu’Améris ne trace de nouvelles voies. Ici, c’est la même rengaine : on alterne le point de vue adulte du cinéaste conteur et la subjectivité de la gamine, cadence opportuniste et on ne peut plus tièdasse. Même topo formellement. De la reconstitution léchée d’une France rurale d’après guerre, ne ressort qu’une structure rassurante : belle image, costumes bien repassés et mots d’auteur, fascination pour un cinéma brocanteur où le détail est autant un apparat naturaliste qu’une promesse de transe. Evidemment, nulle trace de fétichisme ici même si on y croit un peu avec le rouge à lèvre vermillon de Maria de Medeiros. Non, l’image respire la contrainte, elle ne vit pas pour elle, ne délivrant qu’une information historique raplapla : nous sommes dans les années 50.

La mise en scène s’en trouve constamment dévitalisée, réduite au gadget desséché dès qu’elle insiste sur un élément. La folie, par exemple, pure représentation (attention Yolande Moreau a un air bizarre, tu as compris spectateur ?), pur cliché traversé par une poésie de bazar. La fameuse « Constellation de la lobotomie heureuse » (cf. C’est beau une ville la nuit) revient au pas de charge : les débiles souffrent, mais ils sont sensibles et émouvants. Par delà l’incommunicabilité, ils incarnent une forme de sagesse bienveillante, une utopie du comportement humain où les tabous seraient radiés. C’est le cas ici, sous une forme sage et académique : le cinglé se recroqueville, annone, il est le monde des traqués et des incompris. Mais il est toujours gentil, le neuneu. La preuve, il est asexué donc paisible, inoffensif : quand il se couche aux côtés d’Elisabeth, c’est pour dormir comme un bébé, le sourire aux lèvres.