A voir l’affiche et son personnage suspendu, cheveu raide, sourire dentu, sape Guerrissol de première main, on pourrait se croire en pleine brit-comédie des années 90 -entendez fond social lourd et revendications anti-Thatcher. Mais dès les premières minutes, il y a quelque chose d’autre. D’abord Janice vient d’Ecosse, ce qui l’exclut du terreau prolo-suburbien nécessaire au genre, ensuite elle n’a pas été licenciée, autre figure obligée : elle est INTERIMAIRE. Ce statut flottant lui confère une distance, un sursis par rapport à la réalité -moins engagée, moins concernée en quelque sorte. Ce premier long métrage de Clare Kilner, issue du docu-drama et de la série label BBC (The SecretEastenders), cherche manifestement à renouveler le genre. Sans jamais quitter le charme discret de la comédie anglaise, il louche vers le conte de fées moderne, avec ses artifices habituels : voix off, enfance de l’héroïne, happy-end annoncé.

Tout d’abord sa naissance, qui fait mourir le père d’émotion (infarctus) et fait décoller la mère en première classe pour névrose-land : agoraphobe patentée, elle ne sortira plus jamais de chez elle… Du coup, Janice passe son enfance à la distraire. De l’arrivée des extraterrestres aux exploits quotidiens de la fillette, ses mensonges répétés se transforment en contes du dehors. Janice invente et enjolive, son imagination galopante devient une seconde nature. Quand elle arrive à Londres pour travailler, sa mythomanie joyeuse s’entretient. Elle envoie des vidéos à sa mère qui montrent sa réussite imaginaire : elle filme en plans serrés chez Tousalon son nouvel intérieur, et prend des images dans la City pour lui présenter ses collègues, etc. La suite de ses aventures d’intérimaire dans une usine automobile relève de la même mécanique, où la bonne volonté désarmante rattrape les bourdes. Sa personnalité fantasque anime le bureau tenu par une blonde autoritariste (Patsy Kensit, 70 ans après Absolut beginners). Et la proposition va jusqu’au bout : elle sauve sa boîte en manquant la prison de peu, séduit le garçon du courrier tant convoité par ses midinettes de collègues, apprend à danser la salsa, monte en grade… Le film progresse au hasard des méprises, sans verser dans le quiproquo. Et ça marcherait probablement mieux sans la voix off, qui nous sort de l’histoire sans apporter grand-chose.

En fait, tout le film repose sur Eileen Walsh, la révélation, vedette du théâtre anglais (Disco pigs, pièce à succès qui fait le tour du monde). L’enthousiasme obsessionnel de son personnage et sa grâce bancale l’emportent sur son côté gourde de compétition en lui donnant une féminité authentique. Elle campe une jeune fille improbable dans une Angleterre prompte à enterrer les aspirations provinciales. Limite loqueteuse, et toujours souriante, Janice crée une nouvelle figure de l’optimisme. Au final, une comédie sans prétention réalisée avec beaucoup d’attention, et qui possède tout le charme de ses acteurs. Bien vu et prometteur.