Après La nage indienne, c’est à une nage en eaux troubles que nous convie Xavier Durringer. C’est de sa rencontre avec Jean Miez (ex-bandit et dix-huit ans de taule) qu’est née pour l’auteur (dont on peut entendre les Chroniques sur les planches du Funambule, Paris 18ème) l’envie de raconter cette histoire de gangsters. Scénario à quatre mains donc, pour un résultat époustouflant de rigueur.J’irai au paradis… (titre explicite et magnifique) n’est pas un polar au sens traditionnel du terme. Durringer réinvente ici le film de gangsters. Peu, en France, s’y étaient essayé, depuis Melville et Becker. Notre plaisir n’en est que plus intense.Après un braquage qui tourne mal, François, fils d’un caïd, trouve refuge auprès du parrain d’une organisation criminelle. Sa mise au vert sera de courte durée car l’apprenti gangster se retrouve mêlé à une guerre intestine. Le cœur sur la main (il est encore un peu tendre) et le flingue dans l’autre, il se débat dans un quotidien âpre et sordide à la recherche d’une lueur d’espoir. C’est un des rares personnages féminins de ce film de « mecs », la lumineuse Claire Keim (à l’affiche en fin de mois dans l’étonnant Barracuda de Philippe Haïm) qui l’y aide. Ce retour d’un mort parmi les vivants est une véritable rédemption, mais à quel prix… Certains comparent déjà Xavier Durringer à Tarantino, voire à Scorsese pour sa façon de décrire la vie des gangsters à la manière des Affranchis. C’est à la fois flatteur et restrictif, car Durringer évite le clinquant et l’esbroufe (on ne ressent aucune fascination face à la réalité de la mort filmée cruellement), malgré la grande maîtrise de sa réalisation. En filmant ses comédiens en plans serrés, il ne passe rien aux protagonistes de son histoire, aucune complaisance à leur égard (contrairement à un Tarantino par exemple). On n’éprouve que très rarement de la sympathie pour ces personnages bruts de décoffrage, même si le scénario fait la part belle à un humour noir et mordant (les dialogues sont excellents) qui dédramatise les situations les plus tendues.Durringer s’est entouré d’une troupe d’acteurs formidables (bon nombre font d’ailleurs partie de sa troupe). Arnaud Giovaninetti (Profil bas et En avoir ou pas) est tout à fait crédible, et deux performances méritent d’être spécialement soulignées -celle de Gérald Laroche, époustouflant en tueur allumé, et celle très émouvante de Brigitte Catillon, en femme éperdue de détresse (et de douleur contenue) à la mort de « son homme ». Pour l’anecdote, sachez que le film est produit par Christophe Lambert. C’est clair, ses goûts de producteur sont plus avisés que ceux de l’acteur. J’irai au paradis car l’enfer est ici emmène le spectateur sur des chemins encore peu fréquentés par le cinéma français. C’est assez rare pour mériter le détour. Courez-y.