Il n’y a pas de rapport sexuel (avant ce titre aux accents lacaniens, le film en avait un autre, plus long mais plus juste : HPG Watch stream live – Sex cam HD porn free hard XXX) n’a peut être rien à dire de neuf sur le porno, mais qu’importe, sa vocation est ailleurs. A partir de milliers d’heures de making of enregistrées par HPG sur ses tournages, Raphaël Siboni, vidéaste plasticien dont c’est le premier documentaire « traditionnel » élabore un pur film de montage, offrant un regard in situ sur une méthode de travail. Elliptique, séquencé comme un zapping Youporn, le film rejoint a priori la fonction première d’un making of : révéler l’envers du décor. Enchaînant les brèves saynètes thématiques, Siboni cherche à analyser, par l’exemple, le système HPG comme machinerie complexe de l’artifice. Le porno se constate d’abord comme entreprise pragmatique et orchestrée, dont on ne conserve essentiellement ici que le versant off (répétitions et simulations) pour révéler sa dimension illusoire.

Mais la synergie HPG / Siboni se montre bien plus retorse qu’une simple compilation d’archives. Initialement destinés à une commercialisation sur le net, les rushes cachent, au-delà de leur dimension embarquée, une réalité bien plus arrangée que l’on pourrait croire. En théorie, le making of comblerait un vide et dévoilerait l’angle mort que tout film porno essaie de dissimuler. Ici il dévoile surtout le regard d’un metteur en scène sur sa création, regard qu’il met lui-même en scène en singeant une réalité faussement improvisée. Posée et cadrée selon sa volonté, la caméra du making of semble elle-même sous le joug de la manipulation, propre à servir l’imaginaire et la personnalité de son auteur. Lequel apparaît ici en démiurge obsessionnel et insaisissable, démasqué comme manipulateur, souvent drôle quand il n’est pas au bord de l’abjection pure et simple – voir cette séquence d’enrôlement d’un jeune acteur noir où HPG use d’un bourrage de crâne hallucinant de démagogie pour vendre son métier. Jusqu’au bout, Il n’y a pas de rapport sexuel avance sur cette ligne ténue entre portrait vache et hagiographie railleuse. Sa plus grande force réside peut être dans ce seul emploi, d’apparence modeste, d’une rhétorique sèche du montage. Par ce seul travail d’articulation, Siboni démonte et autopsie un système entier de l’intérieur, ouvrant, au-delà du porno, à une véritable mise en abyme du cinéma. D’autant que le film sait aussi glaner de purs accidents poétiques, véritables poches de fiction au milieu du réel. Ces quelques saillies inopinées (la surprise et l’émotion d’une actrice amatrice devant sa première éjaculation, deux acteurs qui s’embrassent spontanément juste après avoir tourné ensemble) ne l’emportent jamais sur la mécanique bien huilée d’HPG, qui sait, non sans surprise, rebondir dessus et, sans relâche, les mettre en scène. Mais elles n’en soulignent pas moins l’évidence d’une résistance têtue du réel contre celui qui s’emploie à en faire le commerce.