Human traffic est une première oeuvre, faite en rameutant les copains, et le premier film à se focaliser vraiment sur des « ravers » (mis à part Clubbed to death de Yolande Zauberman). Cette absence d’antécédents, tout en suscitant une forte attente, requiert a priori une certaine indulgence.
Le film mise sur la complicité en présentant d’emblée ses héros face à la caméra. Ce sont des paumés sympathiques, fous de techno, à Cardiff (aussi attrayante qu’un hangar désaffecté). Koop deale des disques, et fait une crise de jalousie dès que sa copine Nina aborde quelqu’un, ce qui arrive souvent en rave. Moof, le défoncé de la bande, paranoïde en attaquant la descente d’après ecstasy. Jip se définit lui comme « parano du sexe ». C’est le personnage le plus fouillé, ses descriptions de plantages au lit et la seule tête de sa mère, une prostituée, sont hilarantes. Il est emblématique des ravers qui prennent la « pilule de l’amour » mais terminent rarement dans l’orgasme, sauf tout seul (d’où une scène de masturbation de Moof aussi crue que pathétique). Les autres sont filmés dans des poses trop outrées pour vraiment exister. Et pourtant, ils interpellent le spectateur, commentent en off ou en regardant l’action comme des fantômes. Les pensées les plus saugrenues sont immédiatement mises en images, pour brouiller toute frontière entre le trip du week-end et le glauque du quotidien.

L’enthousiasme passe, mais trop rarement l’émotion. Human traffic tient plus du collage potache à la Fatboy Slim que de la mélancolie de DJ Shadow. Des scratches de « DJ Kerrigan » font cependant mouche : les scènes réalistes valent le meilleur Mike Leigh, la discussion sur Star wars comme apologie de la drogue (Jabba en fumeur d’opium, Han Solo en contrebandier dealer…) restera dans les annales des délires de soirée, tout comme la scène où Jip s’imagine en train de se faire sodomiser par son patron, bâillonné par un billet. Un pub chante un nouveau God Save the Queen, et ça verse dans la poésie la plus abstraite au plus fort de la rave. Seulement, cette explosion d’idées n’est pas du cinéma. Déjà peu gâté par les moyens, Human traffic souffre d’un montage chaotique. Justin Kerrigan essaie de rattraper ce manque de lien par un texte omniprésent, en vain. Cependant, cette logorrhée de jargon cockney, avec accent gallois en prime (v.o. obligatoire), ponctuée de « d’you-know-what-I-mean, man ? » quand justement on ne comprend que dalle, devient en soi un intérêt : prenons Human traffic, à l’instar de The Snapper, comme un documentaire ethnologique sur le parler du milieu.

Avec ses maladresses, ce film modeste s’avère au total moins plat que son récent équivalent « années 80 », Les Derniers Jours du disco, et n’est pas détestable comme son compatriote Trainspotting qui n’avait rien derrière sa prétention moraliste. Justin Kerrigan montre, lui, avec la même sincérité (et son vécu, aussi), le roulage du joint puis le regard morne du lendemain.