Robert Harmon, s’il a réalisé Cavale sans issue (Van Damme de milieu de tableau) ou Le Peuple des ténèbres (d’après Clive Barker), est l’homme d’un seul film, le légendaire Hitcher (1985), petite bombe de suspense et de tension qui a marqué de sa patte l’âge d’or de la VHS de vidéoclubs, aux coeur des années 80. Faiseur stylé, Harmon n’a pas son pareil pour faire passer le plus pataud des scénarios comme une lettre à la poste, armé d’un talent primaire qui tient en deux ou trois qualités bien rodées : plaisir du beau plan, nervosité du rythme, dégraissage psychologique maximum. Vingt ans après son chef-d’oeuvre, le cinéaste n’a pas changé d’un poil, si bien que cet Highwaymen apparaît tout à la fois comme un objet parfaitement anachronique et une petite série B bien serrée, bien au dessus de la moyenne policée du moment.

L’intrigue, pas très éloignée de celle d’Hitcher (un tueur psychotique décime d’innocente victimes à l’aide de sa vieille Cadillac déglinguée), ramène aux cauchemars automobiles qui firent les beaux jours de La 5 : luttes à mort entre deux pilotes aguerris (le héros du film possède une Barracuda au moteur vrombissant), où le monde se résume à une immense chorégraphie sur route, entre poursuites sauvages dans des zones urbaines dévastées et arrêts au stand qui permettent d’ébaucher un semblant de polar classique. Le thème de la voiture tueuse est archi-connu, mais le duel prend chez Harmon la forme d’un pur western automobile doublé d’un thriller brut et cradingue : plans larges sur de grands espaces naturels, rubans de route déroulés à l’infini, mélange de décors naturels mythifiants et de centres urbains désaffectés. Ce mélange de photogénie et de brutalité du style permet de faire oublier les errances du scénario, ramenant absolument tout, personnages et rebondissements, à la beauté du geste (le duel final simultanément invraisemblable et jouissif).

L’intérêt de ce cinéma est de tenir, plein comme un oeuf, sur un fil sec et tendu. Harmon ne prétend jamais à l’art, brosse tout l’aspect psychologique avec une certaine désinvolture, sans pour autant jamais céder de terrain à l’aspect purement visuel de son film. Qu’il reprenne, pour le plaisir, le mythique travelling avant à flanc de montagne de Shining ou parsème son film de purs instants de style, le cinéaste semble toujours en pleine possession de ses moyens, à équidistance du recul et de la complaisance la plus totale. Il y a là un bonheur de filmer, une vivacité cinétique, une maestria dans l’épanouissement de la terreur qui renvoient bien des films de série A aux oubliettes. Délicieusement simple et efficace, Highwaymen est un parfait remède aux terrassements aoûtiens de la canicule.