Le générique de Hardball n’est toujours pas terminé que tous les enjeux du film sont résolus. A voir la mine déconfite de Keanu Reeves pénétrant dans une église pour prier à la victoire d’une équipe de basket, on se doute bien, tout comme le moine tout droit sorti du Nom de la Rose qui l’accueille, que cette brebis égarée mérite une rédemption en bonne et due forme. De fait, Conor O’Neill est un loser patenté, grand ami des bookmakers du quartier, à qui il doit une fortune. Forcé d’emprunter à gauche les sommes qu’il doit à droite, il s’en va quémander à l’un de ses amis de quoi éviter un pugilat avec ses créanciers. Or celui-ci (un envoyé du ciel ?) lui propose un marché : 500 dollars par semaine pour entraîner une bande de sauvageons au baseball, l’équipe des Kekambas. Conor accepte le deal à contrecœur, sans savoir qu’il va trouver un sens à sa lugubre existence au contact des bambins, au point de devenir un angélique ami de la jeunesse et des valeurs sport-études, une sorte de Mère Theresa de la batte. Et, au passage, de s’enticher de la prof de lettres de ses protégés, à savoir Diane Lane.

Véritable institution outre-Atlantique, le film de sport tire son invariable puissance mystique d’un flirt continuel avec la sphère religieuse. Ici, la romance bat son plein, Keanu Reeves endossant la tunique d’un St-Paul des quartiers, foudroyé sur le chemin du pub du coin et en route vers la grâce. La bonne grosse morale à l’oeuvre dans Hardball assimile sport et vertu avec un aplomb qui confine à la démagogie pure et simple, notamment à travers un raccourci saisissant : un enfant qui ne peut se joindre à la bande de Keanu (il a un an de trop) est entraperçu au détour d’un plan faux-derche au milieu d’une bande de gangsters armés jusqu’aux dents. Moralité : seul le sport peut remettre la jeunesse dans le droit chemin ; la connaissance, l’instruction étant ravalées par le film au rang d’occupation noble mais superflue, obsolète. D’ailleurs, les scènes de classe dans Hardball ressemblent à des mascarades de l’école des fans.

Ce film qu’un ministère de la jeunesse et des sports réactionnaire n’oserait pas commettre, culmine lors d’une interminable séquence dans une église (on y revient toujours), où les images d’un enterrement sont montées en parallèle, avec une élégance folle, avec celles du tournoi qui a vu le triomphe des Kekambas. Keanu, désormais transformé, y prononce un discours bouleversant, sapé d’un rutilant costard -lui qui, auparavant, était censé ne posséder qu’un vulgaire pantalon trop court et une veste ringarde. Faut pas déconner avec la messe, faut pas déconner avec le sport, faut pas déconner avec les armes : tel est, en substance, le message moralisateur de ce navet bien-pensant.