Voilà un film indépendant qui dépasse légèrement le tout venant de Sundance et du coup se retrouve catapulté au rang de d’oeuvre culte. Bien dommage, car ces déluges de superlatifs ne rendent pas nécessairement service à Garden State, oeuvre plutôt sympathique mais jamais loin de l’imposture. Comédie générationnelle sur l’adulescence des 20-30 ans d’aujourd’hui, le film zigzague sans cesse entre l’extrême banalité de son sujet et le chic revendiqué de son habillage arty. Le jeune Zach Braff, sorte de mini Woody Allen version maison Phénix, s’avère suffisamment malin pour faire feu de tout bois. Les délires de lieux communs, les petits dispositifs, les décalages poétiques, tout s’assemble nickel chrome, mais parfois sous respiration artificielle.

Au diapason, l’intrigue mélange volontairement autobiographie et fantasmes de Braff lui-même. Le jeune cinéaste, qui pointe comme acteur dans une série au nom gratiné, Toubib or not toubib, s’adjuge le rôle principal, celui d’un second couteau de feuilleton télé débilitant revenu dans sa banlieue natale pour enterrer sa mère. Il y retrouve son père, un psy (cho)rigide avec qui il s’est brouillé et ses vieux potes de lycée. L’un, inventeur du scratch silencieux vit en roitelet fainéant de son brevet juteux. L’autre a moins de chance : croque-mort dandy fumeur de pétards, il crèche encore chez maman, une belle routarde imbibée croqueuse de petits jeunes. C’est dans ces détournements sociologiques que le film se montre le plus habile, ne tombant ni dans la stylisation flashy, ni dans le parcours fléché. Derrière le vernis tristounet de la banlieue, Braff extrait une fantaisie à la fois intime et pittoresque. Les objets cultes de l’enfance resurgissent au détour d’un jardinet (le side-car du grand père, les cartes à collectionner de la première Guerre du Golfe), les décors recèlent de pépites drolatiques et de personnages truculents (l’étudiant profiler qui relève les empreintes du chien sur sa Game Boy, le cimetière de Hamsters).

Sauf que l’indispensable romance du film n’est pas à la hauteur de cette balade dans la grisaille pavillonnaire. Braff superpose un teen movie dont il ne parvient jamais à faire monter la sauce. Les acteurs ne savent jamais trop comment la jouer, surtout Nathalie Portman, mignonne mais pas irradiante, cerclée par un rôle qui tend à l’hystérie et aux mimiques d’Actor’s Studio. Roublard, le film sauve les meubles en glissant vers un lyrisme calculé. Exemple : la soirée des djeuns, grand moment de fausse naïveté, où Braff chorégraphie les micro-jalousies et petits haut-le-cœur tout en nappant le tout de romantisme exacerbé et de griseries gentillettes. Une veine péteuse-foireuse, doublée sur la fin d’une symbolique biblique idoine et trop fastoche. Alors générationnel, Garden State l’est incontestablement, mais pour le meilleur et pour le pire, comme si Wes Anderson louchait sur P.T.A Anderson. Par ignorance ou par prétention, l’avenir de Zach Braff nous le dira.