Au départ, un projet stimulant : faire le récit de la vie de Giancarlo Sani, journaliste assassiné par la Camorra dans les années 80 à Naples, et, en filigrane, dessiner les connivences entre politiques locales et mafias qui vampirisaient l’Italie post-années de plomb, retranscrire la violence et l’ambiance de western dans les rues napolitaines (le titre est un « clin d’oeil » homophonique au Fort Apache de Ford). Le tout en faisant du personnage l’emblème d’une incorruptibilité journalistique dont l’exercice est aujourd’hui promis à un horizon peu rassurant – l’affaire Julian Assange profitera sûrement au film. Pour conclure, en apothéose, avec un hypothétique parallèle sur l’asphyxie contemporaine des médias italiens, un doigt d’honneur adressé au règne berlusconien.

Au final, le projet semble s’être trompé de support. Si la réalisation privilégie nettement la narration fluide à la mise en scène, le spectacle se regarde pourtant sans bailler : rythme (édifiant) de film-dossier, montages parallèles au taquet, casting dans lequel chacun remplit vaillamment son rôle. Pendant une première heure, le film sait habilement osciller entre saynètes homogènes et dramaturgie embedded (dont la scène centrale de fusillade collective s’avère un petit morceau de bravoure). Et puis, à force d’habilité dans la norme, le film s’achève sur un goût triste d’inachevé. Trop lisse, l’exercice peine à dépasser la norme du biopic télévisuel : sans vrai parti-pris, sans point de vue, le film s’écroule sous ses bonnes intentions d’objectivité. Dans une veine proche, le Gomorra de Mateo Garrone, avait au moins pour lui une véritable envie de cinéma, aussi criarde fut-elle. À vouloir contenter tout le monde, Fortapàsc ne révèle guère plus qu’un talent de biographe chevronné. Dans les derniers moments, quelque secondes avant l’exécution sommaire du personnage (au propre comme au figuré : il est mort, hop, rideau !), la frustration se grossit de ce triste et inévitable constat : dans le format télévisuel auquel il paraissait destiné, Fortapàsc aurait pu gagner le privilège de la durée, compenser sa faiblesse par l’étendue de sa narration. Avec ses 1h50, le dossier manque un peu d’épaisseur.