La poule aux Oscars de la semaine n’aura finalement rien pondu, mais elle avait le profil : adaptation de best-seller (Jonathan Safran Foer), toile de fond tragique (le 11-Septembre), grands thèmes américains (foi, enfance, filiation), présence de la nouvellement bankable Sandra Bullock mais également de Tom Hanks, accompagné de sa version mini (Thomas Horn, gamin dont la démonstration de potentiel, quasi constante, frise l’impudeur). Avec aussi une touche d’Asperger, syndrome neurologique le plus prisé d’Hollywood (autisme plus intelligence hors norme). Et puis un titre énorme, un vrai compresseur de sensibilité, quelque chose entre l’extrême et l’incroyable, pour qu’il soit mathématiquement impossible de ne pas succomber, du côté du jury comme chez le neuneu lambda.

Le jour du 11 septembre, un jeune garçon atteint donc d’Asperger, nommé Oskar (avec un k) apprend que son père ne reviendra plus à la maison parce qu’il fait partie des victimes ayant sauté du haut des tours. Trouvant dans son dressing une clé dans une enveloppe portant la mention « Black », Oskar va visiter tous les dénommés Black de la ville, pour trouver la serrure correspondante (il faut le dire, la sortie dans les rues anxiogènes de l’après 11-Septembre est l’occasion de quelques secondes assez prenantes). Bilan : Oskar vaincra ses peurs d’Asperger kid et s’ouvrira au monde. Dès le début trop clair sur ses intentions, le film pose une équation simple autour du motif de la chute (les deux tours = le père qui tombe = les larmes qui coulent) qu’il s’agira, en bout de course, d’essayer d’échanger pour celui de l’envol, de la coupure des vannes, de la fin du deuil. Dix ans après les événements, l’heure est tout autant à la commémoration qu’au séchage des larmes. Le film n’y parvient pas pour autant, victime de son but premier (faire pleurer), malgré quelques symboles appuyés sur la fin (Oskar grimpe enfin sur la balançoire qui lui faisait si peur, il se balance très haut tandis que sa mère découvre un dessin de lui, où le père défenestré remonte dans les airs jusqu’à la fenêtre).

Extrêmement fort et incroyablement près, avec son programme émotionnel rigide, son obsession du calibrage et du pleur canalisé, ressemble moins à un film qu’à un réseau de conduites. Stephen Daldry (Billy Elliot, The Hours), alternant scènes de sanglots et moments attendris, ouvre et ferme les vannes de l’émotion avec le je-m’en-foutisme d’un plombier qui travaillerait tout en lisant le journal. Personne ne semble d’ailleurs s’en soucier, mais l’un des robinets est resté ouvert : celui de la voix d’Oskar. Off ou in, peu importe, toutes les serpillières du monde ne suffiraient à éponger la faconde du mouflet, dont l’utilité principale semble de prendre en charge une sorte de super-débit, d’incarner la méga-fuite affective, de se faire la voix endeuillée d’une ville, d’un pays, d’une époque. Face à l’incontrôlable déluge, une seule tentative : l’intervention d’un vieillard muet (Max Von Sydow, dont le sourire, lors d’une courte scène, parvient à émouvoir – vraiment), qui accompagnera Oskar dans ses recherches, avant de repartir comme il est venu. Rôle de pompe de relevage autant que de planche de salut, par lequel le film redevient un moment respirable, avant de boire définitivement la tasse.