La jeune et belle veuve Esperanza porte bien son nom. Alors qu’on vient, à l’hôpital, de lui annoncer que sa fille est morte durant une banale opération des amygdales, elle nie obstinément les faits. Esperanza est persuadée que sa fille est toujours vivante car saint Jude, son Saint favori, lui a annoncé derrière la vitre encrassée de son four, qu’en réalité son enfant a été vendue par un médecin véreux à une maison rose, autrement dit un bordel.

Le déni d’une mère inconsolable permet à Alejandro Springall de réussir un petit road movie particulièrement cocasse. Si la situation de départ est dramatique, le parcours d’Esperanza à travers le Mexique l’est beaucoup moins. Car la jeune femme extrêmement pieuse -elle invoque une ribambelle de saints à la moindre occasion- n’hésite pas à explorer divers lieux de perdition pour les besoins de son enquête et finit même, assez rapidement, par se convertir aux joies du plus vieux métier du monde. Et au lieu de l’attendue descente aux enfers d’une mère expiant la mort de sa fille dans les bas-fonds, le film nous montre la transformation sensuelle d’une petite provinciale pas vraiment dégourdie en femme libérée. D’un hôtel de passe crasseux à un peep-show de Los Angeles en passant par une maison close fastueuse, la plongée d’Esperanza dans la prostitution est bien plus drolatique que tragique. En multipliant les références au catholicisme (Esperanza rencontre même sur son chemin Mephisto sous les traits d’un maquereau), à Buñuel (en particulier à son film Un Chien andalou) et à la culture populaire mexicaine (feuilletons télévisés, catcheurs), A. Springall réalise une sorte de télénovéla surréaliste particulièrement jubilatoire. Et pour ne rien gâcher, l’odyssée d’Esperanza s’achève de la meilleure des façons possibles : dans les bras d’un héros masqué, un catcheur dénommé l’Ange justicier.