Revoici Paul Weitz, petit artisan sympathique, spécialiste des comédies teenager. Suite au carton American pie, l’homme a franchi un palier avec Pour un garçon d’après l’excellent Nick Hornby, équilibre délicat entre vachardise réjouissante et tendresse absolue des personnages. Restait un doute sur son style, discret comme tout, toujours un peu planqué derrière ses scénarios, doute que son nouvel opus, En bonne compagnie vient lever assez nettement. Car mise en scène il y a notamment dans cette manière de faire battre le film à pulsations variables, ce don d’incorporer la classe moyenne sans la froufrouter (genre Garden state) ni verser dans la déification de monsieur Toutlemonde (syndrome Piège de feu). Ca saute d’autant plus aux yeux que le film ne se voile d’aucun cache-sexe. Pas de mode potage postfarrelien, pas d’acteurs-genre (Hugh Grant dans Pour un garçon), juste une distribution carrée et une intrigue de série télé pêchée quelque part entre Madame est servie et Dawson. Même Scarlett Johansson, embauchée avant le ramdam Lost in translation, la met en veilleuse.

L’histoire ? Celle d’un commercial quinqua comme les autres. Inquiet de ses filles qui grandissent, de la multiplication des fusions / acquisitions, de la mise sur la touche des actifs de son âge, trop chers, trop ringards. Il y a de quoi : lors de la dernière restructuration, un jeune loup qui pourrait être son fils (Topher Grace, modeste à l’image du film) est catapulté Dir. Com à sa place. D’où confrontation entre le vieux rétrogradé et le jeune promu, situation de cinoche popu vieux comme le monde, que Weitz aère en s’intéressant autant au binôme qu’à la toile de fond. Le cinéaste prend tout avec une sérénité de petit maître : description plutôt juste du monde du travail avec commérages de machines à café, solidarité des services, rivalités internes (le match de basket entre deux filiales du groupe, joli moment), narration à plusieurs voix, glissant de l’étude sociologique au marivaudage. A chaque fois, le film remporte ces étapes sans épuiser ses réserves.

Le spectateur se laisse embarquer, peinard, il connaît le chemin. S’identifie, démocratique, autant aux vieux qu’aux jeunes. S’amuse de la comédie domestique (toutes les scènes chez Dennis Quaid, promu avec bonheur Indiana Jones du quotidien), revient sans broncher au dessein plus noble du film : témoignage sur les années 2000, la mondialisation galopante qui frappe autant la classe moyenne que ses plus fervents aficionados. Pourtant ce pot-pourri reste digeste. Il y a dans le cinéma de Paul Weitz une générosité franche du collier, une envie de diviser le gâteau en multiples parts égales. En bonne compagnie, c’est un rêve de qualité mainstream où la marginalité n’existe pas, c’est une louche d’Américains moyens, intégrés, incroyablement normaux. Pas de bouseux, ni de handicapés, simplement des banlieusards ou des citadins. Les plus riches (Malcom McDowell en super big boss), les plus névrosés (l’épouse dark du jeune loup) ne font que passer. Paul Weitz ne vend pas un style de vie, il se ballade de pâtés de maison en entreprises, il jongle avec la diversité du monde moderne. Un petit maître, on vous dit.