Depuis l’avènement de la néo-comédie régressive US, les grosses daubes mongolo affluent au rythme d’une ou deux tous les mois. Voici donc venu jusqu’à nous Dumb and dumberer, prequel improbable au Dumb and dumber des frères Farrelly, l’un des films matrices du culte pro-Jim Carrey. Il s’agit là, évidemment, d’une roublardise crapoteuse : Jim Carrey n’étant pas de la partie, c’est l’inconnu (qui gagnerait d’ailleurs à le rester) Eric Christian Olsen qui débarque : clone incroyable de Carrey, avec dix ans de moins. On a, à la vision de ce traquenard, le souvenir de ces vidéos karaté des années 80 avec Bruce Li, Bruce Ly et autres Bruce Le : une jaquette mensongère (photo du vrai Bruce Lee) et à l’intérieur une sous-série Z dans laquelle gesticule un hypothétique « replicant » de la star. Même procédé ici : une bande-annonce en trompe-l’oeil (on jurerait y voir le vrai Carrey) qui cache un atroce nanar fauché jusque dans le gag.

Le Jim Carrey bis de Dumb and dumberer n’est pas drôle. Dans la moindre de ses grimaces se lit un forçage, une simulation crétine de la folie qui annihilent tout effet burlesque pour laisser place à une sorte de petit théâtre où des ados déguisés jouent à être bêtes. Passé le sentiment irritant de l’arnaque, reste un intérêt à ce film : voir jusqu’où peut aller la décrépitude d’un genre lorsque tout ce qui le fonde (l’artifice, la profusion, l’emballement dans l’horreur) n’apparaît plus que dans sa pauvreté et son involontaire mise à nu. Sans mise en scène, sans décors, sans acteurs : ne reste que le réflexe, la trace, le symptôme et tout un inconscient sauvage et mercantile qui apparaît sous forme de navrante contrefaçon. Sans l’amour des freaks, du sale et de la folie -ce qui précisément fait toute la valeur des Farrelly ou des films de Jim Carrey : ne reste qu’un grand cirque en toc et scato-phobique.

Des rouages énormes se mettent en marche laborieusement : vient la scène du caca. Puis celle du pipi. Enfin celle, la plus belle, du pet dans l’eau. Tout ici est vu sous l’angle du cauchemar (la bulle du prout qui explose devant une ribambelle de bimbos, en plein rêve). Tout cela est extrêmement glauque, jamais drôle, et en même temps indique, à la manière d’un gros lapsus baveux, la face blafarde et cachée de ce genre d’entreprise : son puritanisme absolu, sa tristesse profonde, son incompressible désespoir érotique.