Après avoir investi avec bonheur la comédie musicale, Olivier Ducastel et Jacques Martineau s’attaquent au road movie. Deux genres extrêmement divers que les cinéastes tentent de s’approprier en y injectant une contemporanéité peu usitée. Sous le haut patronage de Jacques Demy, cette démarche avait abouti au bel et fragile équilibre de Jeanne et le garçon formidable (1998), une comédie musicale au temps du sida. Dans le cas de Drôle de Félix, ce même cheminement vers la « modernité » ne conduit malheureusement qu’au rejet, la greffe du contemporain à tout prix ne prend jamais. Félix (Sami Bouajila) traverse la France, de Dieppe à Marseille, pour retrouver son père. Le temps d’un trajet effectué à pied, en stop, il se construira une famille, le hasard lui offrira un frère, une grand-mère, une sœur, etc.

Les pérégrinations de Félix sont entièrement au service de l’ambitieux programme des cinéastes ; présenter un état des lieux de la France d’aujourd’hui, celle du racisme, du sida. A lui seul, Félix est un véritable personnage kit : beur, homosexuel, séropositif et chômeur… Le projet plus qu’honorable des cinéastes, à savoir faire entrer dans la normalité ce qui pour certains est encore de l’ordre de la marginalité, l’homosexualité, le sida, repose entièrement sur ce principe d’accumulation. Le personnage n’est plus qu’un emblème. A l’image de ce cerf-volant aux couleurs du drapeau gay que Félix trimballe durant son voyage, il se réduit à un étendard que l’on brandit ostensiblement et maladroitement dans un désir d’acceptation et d’intégration. De même le parcours de Félix est jonché de panneaux de signalisation on ne peut plus voyants et signifiants. Il sera confronté à un crime raciste, refuse de traverser la ville d’Orange aux mains du Front national, ses galipettes en pleine nature ne lui font pas oublier sa conscience d’écolo : hors de question d’abandonner un préservatif en plein champ… A force de militantisme de bon aloi, O. Ducastel et J. Martineau finissent par devenir sacrément moralisateurs. Drôle de Félix nous fait l’effet d’une leçon assénée par des professeurs bien pensants qui auraient oublié en route toute la légèreté qui faisait le charme de leur premier film.