Détour mortel est une petite réussite presque anachronique tant il apparaît complètement hors d’époque, mais aussi une issue logique et rassurante à l’inflation d’un genre qui, à force de tourner en rond, a fini par se mordre la queue. Le film d’horreur, à Hollywood, est devenu, sous l’impulsion des slashers teen des années 90 (les séries Scream, Souviens-toi… l’été dernier, etc.), un banquet opulent mais avarié par l’ironie, la roublardise et l’auto-référence circulaire. Il y a bien, dans Détour mortel, les oripeaux de cette culture clean, mais alors ils sont piétinés gaiement. C’est pourtant du côté de Wes Craven (l’initiateur de Scream) que lorgne Rob Schmidt, mais le Wes Craven première époque, celui, brut de décoffrage, de La Colline a des yeux ou La Dernière maison sur la gauche. Avec Détour mortel, donc, retour à l’âge d’or du gore brutus -les années 70 et 80-, au bon vieux survival des familles, au credo du crado sans détour et à l’effroi primaire.

Ayant imprudemment quitté l’autoroute pour prendre un raccourci à travers une immense forêt loin de la civilisation, un jeune médecin percute la voiture de jeunes campeurs du dimanche. Les véhicules étant hors d’usage, la petite troupe s’enfonce au cœur de la forêt jusqu’à tomber sur une cabane aux odeurs pestilentielles. Tout se passe comme si les ados hurlant des slashers, ayant un peu grandis, étaient cuits à point pour passer à l’étalage de la boucherie : finie l’horreur des couloirs de campus, place à l’épouvante bio en milieu naturel. D’où la primale réjouissance ressentie à la vue de cette bande de citadins se faisant trucider à la hache par trois ersatz de Leather Face cannibales, à savoir une fratrie de pécores génétiquement modifiés. Depuis son générique relevant de la délicate potacherie d’étudiants en médecine (on feuillette un dictionnaire d’erreurs de la nature présentant un panel de freaks difformes comme avant-(dé)goût de ce qui nous attend) jusqu’à une séquence post-générique bête et méchante valant comme bande annonce d’un Détour mortel 2 à venir, Rob Schmidt parvient à tenir avec efficacité sa ligne claire, accumulant sans arrières pensées les épanchements gores et les situations sans issue (l’horrifique scène, digne d’un conte de Perrault, où les victimes sont planquées sous le lit des dégénérés repus de chair fraîche, ronflant comme des ours). Réalisé sans génie mais avec une foi saine, sur la base d’un scénario presque benêt (on sait très vite qui va survivre ou pas) ponctué d’énoncés simples mais tellement vrais (« c’est la dernière fois qu’on vient en vacances chez les péquenauds »), Détour mortel est une honnête série B de poche.